Une fois de plus, Luna avait rejoint son appartement au moment où tant d’autres étaient sur le point de le quitter.  Malheureusement pour son équilibre psychique, le retour tardif dans ses pénates n’étaient pas du à une folle soirée entre amis, juste à son travail d’infirmière et aux nuits qu’elle prestait pour le moment.   Son horloge biologique lui hurlait qu’elle n’en pouvait plus, et fort heureusement, elle allait entamer dès le lendemain la récupération de ses jours de repos.  En chemin, elle croisa son colloc, qu’elle avait une fois de plus réveillé,  et discuta brièvement avec lui. Puis, après un rapide passage à la salle d’eau, elle se dirigea vers son domaine. Elle avait fait elle-même la peinture et la décoration de la pièce, et il fallait reconnaitre que le résultat était impressionnant.  Luna avait réalisé une pièce entièrement en trompe l’œil  qui donnait le sentiment d’être en plein milieu de la jungle. Les meubles et les tentures des fenêtres étaient intégré habilement au décor, et ceux qui avaient  eu l’occasion de voir la pièce se demandait si l’infirmière n’avait pas loupé sa vocation. Elle s’endormit rapidement au milieu de ce décor plus vrai que nature.

Le lendemain,  la jeune femme sortit du lit sans même regarder son horloge.  Elle se sentait reposée, ce qui signifiait que l’après-midi devait être déjà bien entamée.  La demoiselle avait cette capacité à dormir tout son soûl d’une seule traite, ce qui lui permettait de récupérer assez rapidement.  Elle traversa le salon en direction de la salle d’eau, et constata que son colloc avait quitté les lieux sans s’en émouvoir plus que çà.   Après avoir fait ses ablutions quotidiennes (comprendre, après avoir joué avec la mousse de son bain pendant une heure), elle enfila un jeans noir et un chemisier blanc, son uniforme quand elle avait la flemme de se vêtir correctement.

Luna  se fit ensuite un thermos de café, et elle partit avec celui-ci sur la terrasse, profiter du soleil.  Elle s’installa dans son hamac et somnola jusqu’à ce qu’elle entende la porte d’entrée s’ouvrir. Elle entendit ensuite son colloc s’agité un peu partout dans l’appartement  et elle se fit la réflexion qu’il avait peut-être perdu quelque chose, envisageant d’aller voir ce qu’il se passait.

Bah, pensa-t-elle en se réservant une tasse de café,s’il avait besoin d’aide, il la trouverait rapidement  La jeune femme était en mode limace, et elle n’avait vraiment, mais vraiment pas envie de bouger.

La journée avait été pour le moins rempli du point de vue du jeune homme. Il avait fait une nouvelle rencontre intéressante en ville, et cette dernière ne le motivait que plus dans sa quête en recherche de toutes les vérités de ce monde.
Tengaar rentra donc chez lui assez tardivement dans la journée, alors que le soleil étendait ses derniers rayons sur la capitale. Refermant l’appartement derrière lui en laissant les clés sur la serrure, Luna n'ayant surement pas du bouger de la journée puisqu'elle était de repos, il posa son sac non loin de la bibliothèque de la pièce... même si le terme bibliothèque en lui même était assez mal choisit. Le jeune homme laissait en effet plus de livres hors des étagères, si bien que le coin qu'il avait demander à avoir pour ses recherches s'étendait de plus en plus dans le salon, ce qui exaspérait parfois Luna au plus haut point... Toujours était-il que n'ayant pas vue Luna, surement en train de dormir encore pour récupérer, il s'installa à son "bureau" dans le but d'écrire une synthèse de ses recherches journalières...
Sauf ! ... qu'il n'arrivait pas à mettre la main sur son Recueil. Le jeune homme se leva alors d'un coup sec de sa chaise, son regard passant d'un coin de la pièce à l'autre sans tomber sur l'ouvrage si précieux aux yeux du jeune homme. Il ne pouvait pourtant pas le louper, avec sa reliure aux reflets d'émeraudes et à la couverture couverte de symboles en tout genre qu'il avait copié de ruines abandonnées. Le regard ne suffisant pas, il se mit alors à faire le tour de la pièce, soulevant des livres avant de les lancer dans son dos, faisant abstraction des feuilles qui volaient de plus en plus dans la pièce. Il n'arrivait pas à mettre sur un ouvrage presque aussi précieux que son Totem (seule chose qu'il rangeait soigneusement pour information), il n'y avait donc aucune raison qu'il se soucit de notes inutiles en comparaison...
Après une recherche désespérée, il en vint alors à la conclusion que Luna avait surement du déplacer l'ouvrage d'une manière ou d'une autre sans y faire attention. Le jeune homme se mit donc en recherche de sa colocataire, commençant par la chambre dans laquelle il rentra après avoir taper à la porte (restons polie, elle aurait pu se réveiller et être nue derrière) sans avoir obtenu de réponse. Ses yeux s’arrêtèrent un moment sur les murs qui le fascinait toujours autant à chaque fois qu'il les voyait, avant que son esprit lui face comprendre que la demoiselle ne se trouvait pas là.
Il se dirigea alors vers la terrasse, seul endroit où il était certain de la trouver après son lit et son lieu de travail, lieu où elle se trouvait en effet, nonchalamment installée dans son hamac à boire du café...

Luna. l'interpella le jeune homme en oubliant de la saluer correctement. Est-ce que tu aurait encore toucher à mon Recueil par hasard ?

L’infirmière délaissa un instant son café. Elle jeta un bref coup d’œil par la porte vitrée de la terrasse et ce qu’elle vit ne lui fit pas franchement plaisir : on aurait dit qu’un ouragan venait de mettre le salon sans dessus dessous. L’ouragan était d’ailleurs toujours à l’œuvre, et il portait un prénom que Luna avait toujours trouvé particulièrement poétique bien que pénible à prononcer correctement : Tengaar.  Alors qu’elle se replongeait dans la dégustation de sa boisson fétiche, le responsable du «  carnage du salon » lui adressa la parole, d’une voix légèrement contrariée :

- Luna, Est-ce que tu aurais encore touché à mon Recueil par hasard ?

Et le bonjour, c’est pour les chiens ? pensa la dénommée Luna en houssant un sourcil, signe que quelque chose la dérangeait dans la formulation de la question de son colocataire. Non mais oh, qu’est ce qui lui prenait à celui-là ? Et puis il sous-entendait quoi avec son «  encore  touché » ?

L’infirmière envisagea un instant de l’ignorer superbement, mais elle sentait que çà ne ferait qu’aggraver la situation. En temps normal, elle aurait sans doute laissé couler sans rien dire, en répondant à la question sans plus de cérémonie, mais il se trouve qu’elle était enfin en congé, qu’elle pouvait envisager trois jours d’affilée sans courir partout dans un hôpital surpeuplé, et que son charmant colocataire était apparemment décidé à lui gâcher partiellement le dit congé.  Résultat des courses, Luna posa sa tasse de café, s’assied dans le hamac face à Tengaar, et elle se fit la conversation à elle-même afin de montrer au jeune homme qu’il avait oublié un léger petit mot dans la conversation :

- Bonjour Luna, fit l’infirmière en agitant sa main droite comme si c’était une bouche qui parlait, comment vas-tu ?
- Salut colloc, répondit la main gauche de Luna à la sa main droite, je profite bien de mon congé, je te remercie, et toi çà va ?
- Et bien vu que tu poses la question, charmante demoiselle qui égaie mes jours par son sourire radieux, il se trouve que j’ai une fois de plus perdu mon recueil, tu ne l’aurais pas vu par hasard ?

Bon d’accord, Luna en rajoutait un peu, mais elle était contrariée. Elle reposa ses deux mains sagement sur ses genoux, sans répondre à la question de son colocataire. Peut-être que cela l’énerverait davantage, mais bordel, ce n’était pas elle qui ne savait pas où elle rangeait ses affaires. S’il prenait la peine de faire du rangement dans le salon, il ne perdrait pas systématiquement ses foutus livres.

Au fond de lui, Tenggar le savait parfaitement... Il y avait de nombreuses manières dont le précieux ouvrage aurait pu être déplacé. Un chat errant comme il en passait parfois aurait pu l'emporter sur quelques mètres ou le faire passer derrière un meuble, un coup de vent aurait pu le couvrir d'autres feuilles et livres. Ou option la plus probable, un de ses Gardiens l'aurait rangé pour éviter justement la scène qui venait de se dérouler il y à quelques instants... Au fond de lui, il savait consciemment que Luna ne touchait que très peu, voir jamais, à ses affaires privées...
La seul soucis, c'est que Tenggar n'était nullement calme et lucide en ce moment. Il ne prit donc pas la peine de convoquer ses Gardiens pour les questionner, ni même essaya de ranger tout son bordel pour y mettre enfin une touche d'ordre. A la place de cela, il préféra rester silencieux lorsque sa colocataire se fit un monologue à elle même, où elle s'imitait elle même ainsi que lui lorsqu'il était plus calme...
Celà ne fit que piquer un peu plus la nervosité du jeune homme, qui haussa un sourcil; avant de lever une main comme pour dire qu'il n'en avait que faire une fois le dialogue de la demoiselle terminé...

-Bla bla bla, je suis désolé... bla bla bla charmante demoiselle... Est-ce que tu aurait donc vu mon Recueil... S'il te plait ? demanda t-il de nouveau en insistant bien sur la politesse à la fin de sa phrase

Le soucis actuellement, c'est que Tengaar ne pouvait rien faire d'autre que d'essayer d'obtenir des réponses par la discution, bien que son ton n'allait pas vraiment aider face à la demoiselle. Cette dernière était en effet bien plus douée que lui pour tout ce qui pouvait se reporter de près ou de loin à une quelconque forme de confrontation physique. Elle pourrait facilement le plaquer à terre vue la carrure du jeune homme, non pas que son amie était des plus imposantes, mais qu'elle savait comment se battre depuis son plus jeune âge de ce qu'elle lui avait déjà raconter. Il en avait d'ailleurs déjà fait l'expérience plus d'une fois...

Lorsque son cher colocataire s’exprima de nouveau, celui-ci n’avait pas franchement l’air d’être désolé de s’être comporter comme un abruti manquant de ce savoir vivre que l’infirmière appréciait d’ordinaire chez lui. Elle en déduisit qu’il devait avoir passé une mauvaise journée et elle faillit même lui demander s’il n’avait pas ses menstruations, tellement cette attitude était bizarre pour le jeune érudit. Cependant, avoir passé une sale journée ne l’autorisait pas pour autant à se servir d’elle comme défouloir, aussi Luna adopta une expression faciale qui signifiait «  je sens bien que tu n’en as rien à carrer de ma susceptibilité tellement tu es sur les nerfs, mais j’ai présentement le besoin de montrer mon côté femelle alpha qui ne se laisse pas marcher sur les pieds ». Enfin, ça, c’était le message qu’elle espérait faire passer sans rien dire, mais visuellement, elle avait juste un sourire carnassier. Estimant que le silence avait assez durer, la demoiselle consentit enfin à répondre à la question de Tengaar , enfin si l’on veut ..

- Non je ne l’ai pas vu, enfin je ne crois pas …. Rappelle moi en quoi est ce que ce livre est différent des autres déjà ? Je veux dire, visuellement parlant …

Pour Luna, les livres entassés dans l’appartement n’étaient divisés qu’en deux catégories : les siens et ceux de son colocataire. Bien sûr, elle savait qu’il avait un recueil, plus important que les autres, mais elle ne parvenait pas à se souvenir de quoi il avait l’air .. En se creusant la cervelle, il lui semblait se souvenir qu’il avait une couverture assez tape à l’œil , mais à part cela, rien ne lui revenait en mémoire. Et puis, soudainement, elle eut l’illumination. Ne faisait plus du tout attention à son colocataire, elle se leva de son hamac comme une furie, se dirigea prestement vers la porte vitrée pour s’y immobiliser tout aussi brusquement qu’elle s’était levée.

La raison de cette soudaine agitation ? Elle venait de se rappeler qu’elle avait bougé quelques livres plus tôt dans l’après midi afin qu’ils servent de cale pied pour la table et une armoire un peu bancale suite à une altercation alcoolisée que Luna avait eu avec eu un soir un peu trop festif.  L’infirmière s’était que Tengaar ne ferait aucune objection, vu la manière dont lui aussi traitait parfois ses fichus livres. Mais si son recueil faisait partie des livres qui faisait office de cale, elle allait se faire méchamment réprimander et franchement, cela ne la tentait pas. Bon, il lui fallait improviser, comme d’habitude.

- Je vais chercher avec toi, çà ira plus vite à deux , lui dit-elle avant de rentrer dans le salon.

Luna était déterminée à retrouver le livre avant lui, et si ce qu’elle craignait était juste, elle avait un avantage de taille sur son colocataire : elle savait où chercher.

Tengaar savait très bien qu'il ne s'y prenait pas de la bonne manière, mais cet ouvrage était vraiment un peu comme une partie de son âme ; et faisait partie de son être au même titre que la magie. Certes, il ne s'agissait pas de son Totem, mais son Recueil était tout comme puisque c'était sur ce dernier qu'était écrit les connaissances accumulées par le jeune homme...
Toujours était-il que sa réponse des moins subtils lui attira un regard farouche accompagné d'un sourire carnassier de la part de Luna. Ces deux là firent d'ailleurs frémirent le mage d'une manière des moins discrètes tellement il savait que cela aurait pu très bien se passer très mal pour lui dans les secondes à venir. La connaissant, elle aurait très bien été capable de sortir un couteau de son hamac et de se jeter sur lui pour le clouer au mur, de manière non imagée...
Tengaar essaya donc de contracter ses muscles malgrès ses tremblements pour un éventuel saut arrière au cas où cette idée trotterait actuellement dans la tête de son amie. Un silence s'installa donc quelques instants, avant que cette dernière reprenne la parole, apparemment non décidée de le planter.

-Il s'agit d'un livre à la couverture en relief décrivit alors le jeune homme à la reliure en cuir aux couleurs émeraudes. Il doit faire actuellement près de 2000 pages, et il s'agit sans aucun doute du livre le plus épais dans l'appartemment.

A bien y réfléchir, il y avait peut être les livres de médecine de Luna, mais leur taille devait être à peine inférieure ou supérieure et le contenu était des plus différents également...
A peine avait-il finit sa description que Luna s'était levée d'un coup, surprenant le jeune homme qui recula d'un pas comme par crainte qu'elle ait changée d'avis sur son compte. Mais elle se contenta de passer à coter de lui pour presque se coller à la baie vitrée du salon pour regarder dans ce dernier... Ne sachant pas ce qu'il pouvait bien se passer dans sa tête, Tengaar ne put que regarder la scène d'un regard des plus interrogateurs. Puis Luna se reprit alors, proposant son aide à son colocataire pour rechercher le Recueil de ce dernier. Il n'eut même pas le temps de la remercier qu'elle était déjà rentrée dans le salon sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit...
Tengaar resta donc un moment surprit, avant de soupirer par ce revirement de caractère qui caractérisait pourtant si bien Luna, avant de rentrer à son tour dans l'appartement. Une fois à l'intérieur, il inspira profondément pour reprendre un peu de son calme, avant de se mettre à ranger ses livres dispersés autour de sa table de travail ; lieu le plus probable ou pouvait se trouver le livre si précieux...

Luna et Tengaar se mirent donc en quête du recueil, cherchant avec application. L’infirmière ne vivait pas franchement bien ce rangement improvisé vu qu’elle espérait passer son après midi  avec des activités plus passionnantes, comme annoter un des romans qu’elle venait d’acheter. Il était tellement mauvais qu’elle avait décidé de le réécrire et puis de le renvoyer à l’éditeur accompagné d’une remarque trempée au vitriol et d’un smiley souriant. Cependant, comme toujours avec la demoiselle, cet état d’esprit négatif fut rapidement remplacer par sa bonne humeur habituelle et Luna vit le côté positif de la situation.  Avec cette recherche ordonnée, le fourbi de son colocataire allait être – enfin- un minimum rangé, ce qui rendrait peut-être un aspect normal au salon. De plus, ce mauvais épisode et le stress qu’il avait causé chez Tengaar l’inciterait peut-être à ne plus laisser le salon ressembler à un zouk…

Oui, pensa Luna en souriant, cette histoire avait du bon …. A condition qu’elle ne se fasse pas grillée a propos de l’emplacement réel du recueil. L’infirmière, voyant que son ami ne cherchait pas du tout du côté où elle craignait avoir «  ranger » le précieux livre, continua de faire ses tas, tout en se rapprochant lentement mais surement de la table du salon et de l’armoire. Le silence commençait à lui peser, aussi décida-t-elle de faire la conversation à Tengaar. Bon d’accord, c’était aussi pour le distraire …

-Bon, ce n’est pas parce qu’on fait du rangement qu’on doit forcément être silencieux, alors dis –moi, mon cher érudit préféré, comment s’est passé ta journée ? demanda Luna tout en réajustant le foulard qu’elle avait dans les cheveux pour les empêcher de pendre devant ses yeux.

La demoiselle ne resta pas longtemps inactive, elle reprit son activité tout en tendant une oreille attentive dans la direction de son colocataire. Elle perdit le fil quelques instants, lorsqu’elle jeta un coup d’œil aux livres servant de calle sous la table : le recueil n’y était pas. Il ne restait donc plus que l’armoire. Luna réprima un soupir de soulagement : elle avait encore quelques minutes avant de devoir assommer son colocataire pour prendre la fuite vers une destination lointaine.  Se rappelant que son colocataire lui parlait, elle jeta un coup d’œil dans sa direction. Bon apparemment il ne disait plus rien.. Merde, est ce qu’il lui avait posé une question et qu’il attendait une réponse ?

- Je suis désolée, j’étais perdue dans mes pensées, tu disais ? fit l’infirmière avec son beau sourire, au cas où Tengaar relèverait la tête de son ouvrage.

Comment çà se passait à l’hôpital ?  Cette interrogation toute simple méritait pourtant un moment de réflexion, en tout cas selon Luna. Elle resta donc silencieuse pendant quelques instants, durant lesquels la problématique du recueil lui sortit totalement de l’esprit. L’infirmière resta là où elle était, sans bouger, le regard dans le vague, à la recherche de souvenir à propos des ses trois derniers jours passé au service des urgences. Ah les urgences, c’était un monde à part dans un hôpital, peuplé de créatures étranges qui venaient réclamer des soins en invoquant de faux motifs pour de vrais blessures…

Ah çà, Luna en avait vu passé des spécimens d’humanités plus ou moins équilibrés. Et si son travail était souvent épuisant, si elle se retrouvait souvent les pieds couverts de fluides et si il lui arrivait d’avoir envie de fusiller sur place ses collègues, elle aimait son travail tout simplement parce qu’elle ne s’y ennuyait jamais. Pour rien au monde elle n’aurait demandé à travailler dans un autre service, plus plan plan. C’est sur cette pensée réconfortante que l’infirmière tatouée répondit à Tengaar :

- Rien de spécial, la routine : des brûlures causée par des cuisiniers ou des pyros débutants, des épouses et des maris qui tombent par accidents sur ces couteaux ou qui boivent la mauvaise bouteille de sirop – qui bizarrement ressemble comme deux gouttes d’eau à une autre bouteille totalement inoffensive qu’ils ont l’habitude de boire-, des mômes un peu trop casse coup – ou casse pieds au goût de leurs parents- qui viennent pour un plâtres … Que du beau monde en somme ^-^ A croire que mon service attire les seules habitants de notre beau continents qui ne sont pas fréquentables …

D’ailleurs, c’était sans doute pour cela aussi qu’elle aimait son travail. Elle se sentait un peu moins seule dans l’option «  manque de sympathie ». Ceci dit, Luna exagérait dans ce qu’elle disait à son colocataire : il y avait aussi beaucoup de personnes «  biens » ? victimes de vrais accidents, mais ceux-là n’étaient pas aussi drôle, en tout de son point de vue. Tengaar le savait très bien, et il lui avait déjà fait remarquer qu’elle n’évoquait jamais que les cas sociaux. Tout en parlant, l’infirmière avait continué son rangement, et elle était maintenant sur le point de retirer les trois livres coincés entre l’armoire et le mur.

Bordel de merde, il est là ce foutu recueil à la noix, pensa l’infirmière avec toute l’élégance et la distinction qui pouvaient caractériser ses pensées dans certains cas. Profitant du fait que son colloc semblait regarder ailleurs, elle retira le précieux livre et le remplacer par un autre issu du fourbis de Tengaar. La demoiselle se retourna alors vers son colocataire et constata que celui-ci la fixait … Et zut, avait-il compris qu’elle savait depuis le début où son livre se trouvait probablement ? En tout cas, le temps que mettait son colloc à réagir ne manquait pas de l’angoisser quelque peu …

Tengaar s'était donc remit à ranger les ouvrages envahissant une bonne partie de l'appartement en tendant l'oreille à ce que lui disait sa colocataire. Il était assez rare pour tout dire qu'ils discutent ainsi de leur vie quotidienne, la demoiselle étant souvent absente lorsqu'il sortait à l'extérieur et inversement. Il leur arrivait bien d'avoir la chance de partager un ou deux cafés de temps à autre, mais sans plus puisque l'un d'entre eux était souvent sur le point d'aller dormir ou partir au contraire...
Alors qu'il cherchait son précieux livre, le jeune homme se releva pour s'étirer un moment avant de reprendre la recherche. jetant un coup d'oeil rapide à Luna, il vit alors cette dernière avec le recueil à la main, qu'elle venait de sortir de sous un meuble... où il avait apparemment servi de... cale ?
Le jeune homme se figea presque aussitôt, ses mains lâchant ce qu'il tenait en vie, tandis que son visage prenait une teinte des plus pâles. Elle venait d'utiliser l'une des choses auxquelles il tenait le plus à coeur comme un vulgaire morceaux de bois... A ce prix là, elle aurait autant pu lui couper un bras que ca l'aurait beaucoup moins déranger... Mais comment avait-elle donc pu faire cela alors qu'elle savait à quel point il pouvait tenir à cela ?

Son corps se mit alors à bouger tout seul, pas à pas en traînant les pieds jusqu'à arriver devant Luna. Sans qu'il ne comprenne pourquoi, des larmes s'était mises à glisser le long de ses joues... Sans doute car elle piétinait là comme une partie de son âme, bien qu'il n'y avait guère de lien direct avec cette dernière comme avec son Totem ou ses amulettes. Sa main se leva d'elle même, retirant le Recueil des main de Luna... puis son autre bras se leva alors, et vola dans les airs afin de gifler Luna avec toute la force donc le jeune homme était capable malgré sa carrure...

-Je croyais que... que tu... Je pensais...

Il ne savait même pas ce qu'il voulait dire, ni même n'arrivait à contrôler son corps ainsi que son coeur... Il restait juste là, plantée devant Luna qui allait surement riposter comme elle le faisait en temps normal... Mais que pouvait-il bien avoir à en faire pour le moment... Il était perdu dans il ne savait quel univers vide à la découverte de ce qu'avait subit son ouvrage...

La gifle que Luna venait de se prendre de la part de son colocataire torturé risquait fort probablement de gagner une récompense dans la catégorie «  événement totalement délirant et imprévisible des cinquante dernières années ». La surprise fut telle que dans un premier temps, elle ne réagit pas. Puis, ses neurones se connectèrent, faisant transiter des informations capitales comme « aieuh », «  Hein ? », «  Je savais bien que c’était un sociopathe ! », ainsi que l’inévitable «  Vengeance >.< ». Le temps que l’infirmière recoupe toutes ses données, elle n’avait déjà plus mal , ce qui ne calma pas pour autant son gourou. Ce malotru avait osé porter la mal sur elle, tout çà pour un putain de bout de papier ! Et il pleurait en plus, comme si c’était pas pathétique …

La demoiselle, qui était restée sans réaction face à Tengaar, s’empara d’un mouchoir en papier et elle tamponna les larmes de son colocataire avec un sourire doux. Celui-ci était tellement sous le choc qu’il ne réagissait même pas, alors qu’il aurait franchement du s’inquiéter de cette étrange marque d’affection :

- Je suis désolée de t’avoir causé autant de peine, mais comprend bien qu’à partir du moment où tu n’es pas fichu d’avoir un minuscule début d’organisation, je ne pouvais pas savoir que ce livre était plus important que les autres… Après tout, je t’ai déjà vu jeter tes livres aux quatre coins de l’appartement ou les déchirer violemment … Allez ne te met pas dans un état pareil, il n’est même pas abimé ^^

Et sur ces bonnes paroles remplies de miel, Luna fit glisser une de ses mains derrière la nuque de son colocataire, histoire de lui maintenir la tête, et elle lui colla son genou dans l’estomac. Elle laissa ensuite son colocataire s’écrouler lamentablement au sol – elle n’avait pas retenu son coup- et elle s’en alla tranquillement en direction du coin cuisine :

-A partir de maintenant, je te suggère d’être accompagner d’un de tes chers protecteurs jour et nuit jusqu’à ce que je me calme …

L’infirmière commença ensuite à se préparer un thé. Elle mourrait d’envie de se ruer dans le salon, et de fracasser la tête de son colocataire contre la bibliothèque jusqu’à ce que son cerveau ne soit plus qu’une pulpe sanguinolente avec laquelle elle aurait pu nourrir les corbeaux qui trainait parfois près de leur immeuble. C’était de sa faute à lui si son foutou bouquin avait servi de cale, et il osait la gifler ! Cette simple analyse de la situation lui donnait de vraies envies de meurtres, choses qui ne lui était jamais arrivé auparavant. Pourrait-elle continuer à le croiser sans lui mettre un coup à chaque fois ? En tout cas, s’il ne tentais pas de s’excuser, leur appartement allait bientôt avoir des relents de guerre froide….

Le jeune homme ne bougeait pas, alors que Luna avait une réaction des plus étranges qui soit pour une personne comme elle. Tengaar avait beau l'avoir giflée, elle venait lui essayer les larmes avec un mouchoir mouchoir en papier, alors qu'en temps normal elle l'aurait surement giflé en retour et en moins d'un quart de tour. Au lieu de cela, elle semblait presque s'excuser au près de lui... doux rêve que voilà. Elle attrapa sa nuque quelques instants après, et le genou de la demoiselle rencontra les côtes de Tengaar presque aussitôt, enfin une réaction digne de sa colocataire. Enfin, c'est ce qu'il aurait surement dit ou penser s'il en avait été capable à ce moment là...
A la place, il tomba au sol comme un mannequin sans même essayer de se retenir ou quoi que ce soit. Ses yeux vides fixaient le plafond du salon, et son souffle saccadé sortait de ses lèvres d'où coulait un fil de sang. Sous son oeil gauche apparue alors une marque rouge, une marque qui glissait sous sa joue avant de descendre le long de son cou et disparaître sous ses habits. Alicia se matérialisa non loin de lui, observant le jeune homme allongé devant lui...

-Ah la la la... Pauvre Tenny...

La gardienne laissa son propriétaire au sol, il avait besoin de réfléchir un peu sur ses actes, et rejoignit donc Luna dans la cuisine. Les deux femmes s'étaient toujours bien entendue entre elles, et Alicia profitait même du sommeil de Tengaar pour discuter avec l'infirmière. Le jeune homme n'était d'ailleurs pas au courant de leur complicité, et quand bien même il savait que la rousse venait de se matérialiser, il ne devait pas se douter qu'elle n'était pas venue pour s'excuser à sa place... Mais bon, ses oreilles n'arrivaient pas à entendre ce qu'il se passait dans la cuisine, son coeur étant bien trop occupé à se ressaisir et à réfléchir à quoi faire désormais...

-On peut dire que tu m'inpressione ma chère Luna, moi qui avait penser que tu ne t’arrêterait pas là.. Tu aurait vu les autres, ils étaient presque prêts à se matérialiser pour te stopper.

Bien entendu, elle le leur aurait interdit toute intervention. Tengaar ne prenait pas soin de ses affaires c'est vrai, il fallait donc bien qu'un jour il comprenne ses erreurs. Luna avait donc bien agit, bien que la rousse ne l'aurait tout de même pas laisser attenter à la vie du jeune homme... Il fallait maintenant qu'il arrive à venir faire des excuses à Luna... Alicia en profitant pour parler avec elle, surtout pour la retenir d'aller achever Tengaar aussi...