[ Bah voilà un petit début, j'espère qu'il te conviendras :p ]

La'an. Une magnifique ville religieuse encadrée par des montagnes de roches, avec, en son centre, un magnifique temple remplie de richesse. Des routes lisses ainsi qu'un pont aux magnifiques cadavres pendus depuis des mois sur chaque poteau retenant le pont. Un cadre pacifique qui fait d'ailleurs fureur auprès des touristes. Glen faisait partie de ces touristes intéressés par le paysage. Enfin, non. Personne ne lui avait parlé des hérétiques pendus, on lui avait seulement parlé d'une magnifique ville riche créée entre deux montagnes. Si elle avait su avant, elle n'aurait jamais mis les pieds dans cette ville. Pas forcément par peur, mais simplement par solidarité. Bien que ça soit secret, Glen ne croyait en rien, ce qui était contraire aux ordres de l'Église. Mais pouvait-on vraiment le lui reprocher ? Elle n'avait jamais eu le temps pour de la religion. Être une esclave puis une femme élevée en dehors de toute civilisation ne laisse pas de temps pour pratiquer la religion. Pourtant, ça ne la dérangeait pas. Elle préférait vivre tel qu'elle est, sans dépendre d'une quelconque personne. Glen n'avait bien sûr aucun problème avec les religieux, si ce n'est que leurs longs discours l'énervaient plus qu'autre chose. C'était d'ailleurs déjà arrivé qu'elle frappe un prêtre qui faisait un sermon dans la rue. Après, ce n'était pas important. Elle frappe tout le monde, de toute manière. Étrangement, aucun des nomades ne lui avait jamais reprocher son hérésie. En fait, elle ne savait pas s'ils étaient impliqués dans la religion. Ce n'était pas le genre de chose qu'elle demandait. Bien que curieuse, ça ne l'avait jamais intéressé de savoir ça. Trop connaître une personne déçoit toujours. Pourtant, ne pas connaître déçoit aussi, c'est l'ironie du sort. Tout est contradictoire, après tout. Certains auraient même pu penser que Glen provoquait ouvertement les religieux ; une femme déguisée en homme, des yeux rouge sang, ainsi qu'un teint bronzé. Pour rappel, les femmes nobles avaient pour coutume un teint relativement pâle. En fait, l'hérésie se retrouvait dans chacun des effets de Glen. Même si ce n'était pas elle qui avait fait ce choix, encore une fois.

Malgré tout, elle n'avait pas quitté la ville. Elle s'était surprise sur la route à examiner les cadavres. Ce n'était pas une psychopathe incarnée, seulement que ce n'était pas commun de voir des gens pendus. De plus, si ce n'est leurs yeux blanchis, c'était très sobre. Aucune blessure, aucune coupure, aucune trace de sang. Seulement une corde attachée autour du cou. Glen se demandait également s'il y avait eu d'autres morts avant ceux-là, elle eut rapidement sa réponse en se penchant au bord du pont ; une fosse remplie de corps en décomposition. Même pour une chasseuse et une guerrière comme elle, cette vue l'a dégoutait. D'ailleurs, elle n'hésita pas une seule seconde avant de cacher cette vue, regardant cette fois le temple. Elle le trouvait majestueux, mais sans plus. Je l'ai déjà dit, les choses religieuses l'énervaient. Rapidement, même. Déjà agacée, elle donna un coup de pied dans un des poteaux retenant le pont, faisant ainsi tomber un des cadavres dans la fosse. Décidément, ces temps-ci, ce n'était vraiment pas ses jours de chance ; un son de cloche retentit, au moins une bonne dizaine de fois. Elle ne savait pas exactement ce que ça signifiait, mais elle savait ce qui allait arriver. Quelques minutes plus tard, une foule d'hommes impressionnante sortirent du bâtiment, surprenant Glen à donner un coup de pied au poteau, au moment où elle faisait tomber le cadavre dans la fosse. Même elle était gênée de se faire surprendre comme ça pendant l'acte. Un acte en soit non volontaire, mais qu'elle avait tout de même exécuté en direct. Certaines personnes l'avaient critiqué en partant, alors que d'autres se contentaient d'un regard, puis qu'un enfant, lui, rigola gaiement. Cette pensée fit d'ailleurs sourire Glen, un sourire voilé par son écharpe. Apparemment, elle n'était pas la seule à trouver ça ennuyant.

Une fois la foule repartie, elle observa un prêtre se diriger vers elle. Devant elle, le prêtre se fit immédiatement saisir par le col par Glen, qui le fixait froidement.  En fait, il n'était pas dur à soulever. Un petit homme squelettique, elle savait bien que c'était dangereux de pratiquer la religion. Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Glen le secouait dans tous les sens, manquant même de le faire tomber dans la fosse, aveuglée par le soleil. Ce soleil si chaud qui aurait presque pu la faire brûler. Après, si elle avait fait tomber le prêtre du haut du pont, ça ne l'aurait pas forcément dérangé. Elle n'est pas une meurtrière, mais ça peut toujours être amusant, du moins, de son point de vue. Pourtant, elle faisait bien attention à ne pas le faire tomber. Se faire poursuivre par la justice, l'Akhtai, ne l'intéressait pas plus que ça. En même temps, Glen avait bien remarqué ceux qui la regardaient faire, de loin. Pour l'instant, personne n'intervenait, ce qui l'arrangeait en fait.

" Depuis quand c'est autorisé de pendre des gens comme ça, sans raison ?! "

Ça avait pourtant débuté d'un rien. Jhalis, comme toujours, arborait un sourire radieux et sa tenue de religieux. Il effectuait sa messe avec une gentillesse qui cachait forcément quelque chose. Il fallait le dire, cet homme était d'excellente humeur cette matinée-ci. Pourquoi ? Ah, eh bien pour la simple et bonne raison qu'il était parvenu à mettre en prison une femme qui lui tournait autour depuis trop longtemps à son goût. Une hérétique, comme beaucoup de personnes en ce monde. C'était bien plus plaisant qu'autre chose. Oh bien sûr, une autre femme n'allait certainement pas tarder à prendre la place de cette femme qui avait fini en prison, mais au moins, Jhalis en avait pour un moment. Il fallait dire qu'en ce moment, les demandes affluaient de toutes parts. Beaucoup de prêtres étaient assaillis par des femmes. Après tout, nombre d'entre eux restaient célibataires, et parmi ces personnes-là se trouvaient de belles perles. Et malheureusement pour lui, Jhalis répondait à de nombreux critères féminins. Tout d'abord, par son originalité, et puis par sa carrure et la facette qu'il montrait au reste du monde. Pour sûr, il n'était pas quelqu'un – publiquement parlant – de foncièrement méchant. Au contraire, il était plutôt sympathique au premier abord, et pouvait tout aussi bien le rester en présence d'un homme. Mais voilà, il fallait être un homme. Ce qui n'était pas le cas de la majorité des personnes qui lui tournait autour.

Bref, pour en revenir à nos moutons, Jhalis était donc d'excellente humeur. Une humeur parfaite, comme en voyait rarement à Heka. Et c'est bien pour cela qu'on lui fit faire un nombre incalculable de travaux sans même qu'il ne s'en rende compte. Et c'est de cette manière-là qu'il s'était retrouvé à devoir assister en tant que prêtre de Kahl à une commémoration à La'an. Ah, il ne s'était pas rendu là-bas depuis une petite dizaine d'années. La dernière chose dont il se souvenait, c'était qu'il s'était fait un bon pote là-bas. D'ici à ce que son service ne soit pas encore terminé, il n'y avait pas des années. Peut-être pourrait-il le revoir, qui sait.

Et en effet, ce fut le cas. Quelques heures plus tard, la ville religieuse incrustée dans la montagne pointa le bout de son nez. Devant lui, une troupe de religieux étaient venus l'accueillir. Il n'y a pas à dire il préférait largement les villes hors de la capitale. Ça sentait déjà moins le roussi et un peu plus la campagne. Qu'importe, il était venu ici accompagné de deux autres représentants. La commémoration célébrait une étape de la vie de Kel'Chin, et avait lieu tous les ans à la même époque. Chaque année, c'était dans une ville moyenne ou grande que cela avait lieu. Comme les festivités duraient trois jours, Jhalis espérait pouvoir faire un peu de tourisme, histoire de se remettre les idées en place. Alors, ce n'est qu'après avoir parlé avec cet homme qu'il n'avait pas revu depuis des lustres qu'il jugea enfin temps de se préparer. La longue messe était véritablement lente et inutile à son avis. Son python ne cessait de lui reprocher son mutisme et son immobilité à coup de mordillement dans la jambe. Mais l'homme restait insensible, par trop habitué à ce genre de mutilation.

Puis, lorsque vint le moment tant attendu de la fin, la dernière prière fut prononcée et les sujets quittèrent lentement l'imposant bâtiment de La'an, source même de la construction de cette petite ville. Après tout, La'an vivait uniquement des pèlerins. Et puis, ce n'était pas une ville à proprement parler. Des quatre métropoles majeures, c'était bien la seule à se démarquer niveau population. Même si les routes étaient toujours bondées, rares étaient ceux qui vivaient ici toute l'année. La preuve même en était que la majorité des bâtiments n'étaient que des auberges destinés à faire face à une clientèle toujours plus nombreuse. Bref. En tant qu'extrémiste, il pouvait aisément raconter la vie de chaque pierre ayant servi à l'édification du bâtiment religieux. Mais curieusement, il ne se sentait pas l'envie de le faire. Ces longues heures passées à étudier l'avait simplement et indubitablement marqué. Gardant son habit de prêtre – et à vrai dire, c'était la seule chose qu'il portait en temps normal – sur lui, Jhalis se mit donc à explorer la ville montagneuse. D'abord, il passa dans une longue rue évidemment bondée. Il s'arrêtait environ toutes les trente secondes pour bénir ou souhaiter la chance aux fidèles. Évidemment, ce n'était pas Kahl. Ici, les hommes venaient dans le seul but d'expier leurs péchés. Et pour cela, il n'y avait rien de mieux qu'un prêtre seul se baladant dans la rue. Véritablement, il trouvait toutes ces personnes bien niaises. Mais après tout, peut-être tout le monde pensait-il que son prochain était niais. La religion fonctionnait parfois comme ça. En pensant ainsi, le métisse ne put s'empêcher d'être marqué par une brusque montée d'adrénaline. C'est pourquoi il ne tarda pas à ignorer tous les passants et se fraya un chemin tant bien que mal vers le pont. Ah, celui-là il devait bien avouer qu'il lui plaisait. Premièrement, il y avait moins de monde qui l'empruntait et puis... franchement cette idée de pendre les hérétiques lui semblait vraiment de bon goût. Il ignorait la personne qui y avait pensé, mais il était prêt à féliciter l'architecte des lieux et le penseur de cette formidable idée.

Tranquillement, il s'assit sur le rebord du pont et fixa ce qui gisait en dessous. Un tas immondes de personnages en tout genre. Certains ne ressemblaient vraiment plus à rien. Un tas en putréfaction. L'odeur commençait presque à remonter, ce qui signifiait que les feux allaient bientôt être allumés. Ah, le prêtre espérait tant pouvoir y assister. De partout, on disait que c'était un spectacle étonnant à voir au moins une fois dans sa vie. Il l'avait également étudié. Au-delà du fait que les pendus avaient été sanctionnés dû à leur manque de pratique religieuse ou à cause d'un quelconque méfait, il finissait au fond de cette fosse naturelle lorsque leurs corps commençaient à sentir mauvais ou à tomber en lambeaux. Après tout, il fallait préserver les plus jeunes et ne pas pousser le bouchon trop loin. Néanmoins, au bout d'un certain temps, lorsque les odeurs nauséabondes remontaient, il était temps d'allumer ce qu'on appelait les feux, afin de dissiper l'odeur. De la poudre était balancée par dessus le pont et on y mettait tout simplement le feu. Le pont était pour la première fois vidé d'un quelconque cadavre – notamment pour éviter l'embrasement du pont – et grâce à la technologie de quelques penseurs, le pont prenait une teinte vermeille se frayant un chemin jusqu'à l'immense temple. Le spectacle était ahurissant.

Quoiqu'il en soit, Jhalis tâcha de ne pas tomber. Perdu dans ses pensées, il remarqua une certaine agitation un peu plus loin. Descendant de sa précédente chaise improvisée, il fronça les sourcils et se dirigea vers l'endroit en question. Là, de sa grande taille, il put apercevoir une personne qui cachait grandement sa personne mais qui semblait relativement petite. Au-dessus de cette dernière, il semblait qu'un cadavre avait été enlevé. Enfin, le prêtre aperçu un de ses camarades se faire violenter par cette personne. Voyons voyons, c'était une chose dangereuse que de provoquer pareille scène dans la ville même de Kel'Chin. Son visage se fendit d'un sourire qui ne laissait rien présager de bon. Rapidement, il écarta la foule et passa aussitôt à l'action. D'un geste, et ce malgré la poigne d'enfer de cette personne, il la fit lâcher ce pauvre prêtre à l'âge de la retraite et se plaça entre les deux personnages. N'ayant pas écouté la phrase qu'avait prononcé cette personne, il la fusilla du regard et lui susurra :

-Tiens donc, j'ignorais que les suicidaires existaient encore par ici. J'espère que tu sais ce qui t'attend si tu ne déguerpis pas rapidement.

S'il avait remarqué que cette personne était une femme ? Voyons, il n'avait pas entendu sa voix, et emmitouflée comme elle l'était, il y avait peu de chances. Et puis, Jhalis ne se serait pas exprimé de la même façon si c'eut été le cas. Alors voilà. Il était de bonne humeur, et semblait résolu à lui laisser le choix de partir. Avec une foule pareille, il ne pouvait de toute façon se permettre un quelconque geste violent. Cela irait à l'encontre de tout ce qu'il avait appris jusqu'à maintenant. C'était à l'Akhtai de jouer les hommes de force, même si Jhalis possédait encore cette épée à sa ceinture et cet immense python à ses cotés. Alors, il croisa les bras et attendit que cette personne se décide à filer en vitesse.

" Tiens donc, j'ignorais que les suicidaires existaient encore par ici. J'espère que tu sais ce qui t'attend si tu ne déguerpis pas rapidement. "


Ça recommençait. Une nouvelle fois, Glen s'était fait ordonnée. Par contre, il y avait une différence. L'individu qui lui avait crié cet ordre n'avait aucun droit sur la jeune femme. Malheureusement pour son interlocuteur, elle n'était pas dans un de ses bons jours. Aujourd'hui, elle avait envie de frapper chaque personne qui l'abordait sans autorisation. Le prêtre, elle le devinait en vue de ses habits, était tout de fois tombé sur la mauvaise personne. Glen est certainement une des pires ennemis que vous pouvez avoir. Non pas qu'elle est étonnamment forte, capable de mettre au tapis n'importe qui. Simplement qu'elle n'abandonna pas. Si elle avait une idée en tête, elle le fera. Une idée, elle en avait une. En fait, elle avait cette idée depuis qu'elle était entrée dans la ville. C'était en quelque sorte une vengeance en l'honneur des personnes jetées dans la fosse. Elle ne supportait pas ça, ces guerres incessantes que s'adonnaient l'église. Au départ, elle ne pensait pas pouvoir un jour le faire, mais elle allait pouvoir le faire. Glen n'allait pas devenir une meurtrière pour autant, il aurait, au maximum, seulement quelques côtes cassées. De toute façon, il fallait bien ça pour l'apaiser. C'était le destin de cet homme de se prendre ce coup de pied fatal. Vous voyez-ce-que je veux dire ? Aussi tôt avait-il fini de prononcer ses paroles que Glen l'attaqua avec un coup de pied dans les côtes, le faisant ainsi tomber au fond de la fosse.

Un craquement ainsi qu'un gros bruit, comme lorsqu'on jette un sac de patates par la fenêtre. Heureusement, ce n'était pas un bruit venant directement du prêtre qu'elle avait lamentablement jeté. C'était simplement les vieux os de certains cadavres qui, faible avec le temps, s'étaient brisés en morceaux. Après, l'homme avait peut-être, voir sûrement très mal après cette chute. Bien que les corps d'hérétiques parsemés dans la fosse avaient dû l'amortir, enfin, Glen l'espérait, ça faisait toujours mal. Elle ne voulait pas qu'il meurt, malgré ses envies. Tout simplement, car elle ne voulait pas être une meurtrière, mais également car elle voulait s'amuser avec lui. Après, elle n'était pas sûre qu'il revienne la voir après ce coup. Glen avait usé de manières quelque peu rustres. Elle l'avait jeté dans la fosse sans même lui adressé un seul mot. Certaines têtes brûlées seraient remontées se venger, alors que certains trouillards seraient partis. En parlant de trouillard, le prêtre qui servait de catalyseur à la Voldacar avait pris ses jambes à son cou, se réfugiant dans l'enceinte de l'église. Glen soupira en voyant la foule de pèlerins revenir en courant, prêts à voir le spectacle du combat se déroulant sur le pont. Tout ça à cause d'un enfant qui avait, bêtement, donné l'alerte. Comme toujours, du moins de son point de vue, ce n'était bien évidemment par la faute de Glen, qui fit tout ce qu'elle pouvait pour provoquer le prêtre qui était -accidentellement- tombé. Allant jusqu'à détacher un autre pendu, le faisant tomber vers le prêtre. Elle n'avait pas prévu de réduire en cendres l'endroit, mais c'était bien parti.

Glen avait retrouvé un son art préféré. Celui du combat. On peut dire qu'elle en avait assez de sa routine. Tuer des animaux pour se nourrir, massacré les monstres que croisaient les nomades et parfois guerroyer avec quelques combattants à des fins occasionnels ou festives. Là, elle combattait un parfait inconnu dont elle ne connaissait rien. Enfin si. Elle savait que c'était un prêtre, qu'il était agaçant et qu'il était sûrement originaire de Salinca. Glen avait rarement vu des gens bronzés à ce point ne venant pas de cette cité du désert, qui représentait d'ailleurs la moitié des gens bronzés de l'île d'Heka. Puis, elle pensait qu'il était vieux. Horriblement vieux. Il n'avait pas des cheveux grisés comme certaines personnes âgés, mais des cheveux entièrement blancs. Plus aucune couleur. À ses connaissances, les seules personnes pouvant avoir des cheveux blancs sont les albinos, mais il ne semblait pas avoir les yeux rouges. Glen avait même cru, il y a quelque temps, être la seule au monde avec des iris de cette pigmentation. Mais après, peu de personnes sont semblables à Glen. S'il y en avait plusieurs, la vie serait dure.

" Eh bah alors ? Tu ne remontes pas ? Tu te sens chez toi avec les hérétiques, c'est ça ? " Elle avait ri inconsciemment à cette chute ainsi qu'a cette pensée. Un amusement qui, apparemment, n'était pas partagé.

En fixant de ses prunelles désabusées celui de la personne face à lui, Jhalis comprit qu'il y avait que chose de différent chez cette dernière. Un regard plus vivace, prêt à fondre sur n'importe qui. Néanmoins, il s'était essayé au travail de jouer le rôle du gentil. Après lui avoir reproché son attitude sous le regard de passants qui ne se gênaient même plus pour observer la scène, il avait relâché son col tout en se tournant rapidement vers le vieux prêtre. Mais bien sûr, ce dernier avait déjà pris ses jambes à son cou et par-là même disparu de la population. Alors, non sans soupirer, le prêtre se retourna et fit face à cet énergumène on ne plus révolutionnaire. C'était un fait de prendre un prêtre par le col, c'en était un autre de le faire à La'an. En plus d'être carrément cinglé, il fallait être complètement abruti et inconscient. Mettant ses mains sur ses hanches, l'air prêt à voir décamper cette personne et enfin en terminer, quel ne fut pas sa surprise lorsqu'il fut entraîné sur le bord du pont pour y être jeté sans vergogne. Les yeux du prêtre s'agrandirent au fur et à mesure du temps, tant il était subjugué par ces actions. Il chuta assez longtemps, trop longtemps à son goût, et ressentit une vive douleur lorsqu'il entendit des os craquer sous son poids. L'odeur nauséabonde faillit lui faire perdre connaissance, et il dû se boucher le nez en fermant les yeux. Cependant, ce pas ne dura que quelques instants. Le temps pour lui de réaliser où il était et surtout à cause de qui et pourquoi. Le métisse sentait – haha – en haut du pont des dizaines de regards portés sur lui, dont celui de son serpent qui avait, comme par hasard, décidé de ne pas le suivre dans son folle chute. Ben voyons. La tête basse, le prêtre serra les dents et les poings, déchirant par la même occasion les lambeaux de peau qui avaient eu le malheur de rencontrer ses paumes. Ok, là il était vraiment plus fréquentable.

Se levant, il tourna son regard incendiaire à droite comme à gauche, cherchant l'escalier de secours incrusté dans la roche. Une humiliation devant des centaines de personnes, ô ce cher individu allait s'en souvenir toute sa vie. Dégageant un bras qui trônait depuis son arrivée sur son épaule gauche, il marcha jusqu'à l'escalier, provoquant une série de craquement à chacun de ses pas. Il n'appréciait guère ce bruit. Même si ces corps ne gisaient qu'à l'état de cadavres, il préférait être la personne avec les os craqués plutôt que le craqueur d'os. D'ailleurs, s'il n'avait pas été animé par une haine profonde, en soi la chute ne l'avait pas dérangé. Ça n'avait même sans doute pas fait assez mal pour lui. Qu'importe, il réajusta l'épée à son côté et tâcha d'effectuer un rapide nettoyage de sa tenue blanche qui, avouons-le, en avait pris un sacré coup.

Après d'interminables marches, la tête platine remonta enfin et dégagea d'un bon coup de pied la petite barrière rouillée qui le séparait de la route. L'odeur qui planait autour de lui attirait encore plus de monde et ces derniers s'écartèrent même pour le laisser passer. L'étau de monde se refermait juste après son passage et se bousculaient pour être certains d'obtenir une bonne place pour observer le spectacle. Néanmoins, aucun d'entre eux ne s'approchait trop près. Les prêtres devaient rester maître d'eux-mêmes. Toujours garder le sourire. S'il s'énervait, il risquait de tâcher non pas sa réputation, mais également celle des extrémistes. Mais honnêtement, lorsqu'on était à Heka, il n'y avait pas de bonne pratique. Jhalis prenait ce coup dans les côtes pour une affaire personnelle, et même s'il portait l'habit des prêtres, il allait le faire payer à ce personnage mal élevé. S'approchant toujours la tête basse, il accéléra le pas, serra son poing droit jusqu'à s'en faire durcir les phalanges et n'attendit pas une seule seconde avant de fondre sur le visage de cet inconnu en y mettant une force considérable.

Récupérant son équilibre tout en écoutant les murmures derrière lui, Jhalis n'eut pas la patience de les faire taire un à un. Il risquait gros, et cet odieux personnage l'avait sorti de ses gonds à un point inimaginable. Sans chercher à se taper la discussion et persuadé de ne pas pouvoir les faire taire d'un claquement de doigt, le métisse vit son totem s'approcher de lui. Ah, il l'avait presque oublié, mais visiblement ce dernier savait pertinemment ce que son maître voulait. Sans crier gare, le prêtre déchaîna son pouvoir, fendant ses pupilles comme celles des reptiles. Il jeta un coup d'œil panoramique sur la foule et attrapa le regard de tout ceux qui l'observaient. Un peu aventureux sur les bords, le Jhalis. Qu'importe, il aboya alors un « La ferme ! » plus qu'évocateur. Aussitôt, un silence s'installa tandis qu'il sentait son énergie magique drainée comme lorsqu'on buvait à la paille. Même si le prêtre avait atteint l'âge d'or niveau maîtrise du pouvoir et compétences physiques, contrôler l'esprit de trente ou quarante personnes – autrement dit toute une bonne première rangée d'observateurs – demandait une certaine concentration. Si l'élément perturbateur relevait la tête vers lui et qu'il rencontrait son regard, Jhalis ne se gênerait pas pour en faire de la chair à pâtée pour son python.

-Maintenant tu vas t'excuser de suite ou je te jure que tu passeras plus qu'un sale quart d'heure.

Si c'était une menace ? Un peu plus que ça. Il y avait des chances que même une excuse n'y changerait rien. Et puis, après tout, le métisse était persuadé que cette personne ne s'exécuterait pas. Ce qui, d'une certaine manière, l'arrangeait.

Glen portait sa main à son visage. Du sang. Sa paume s'était imprégnée de son propre flux vital, prouvant ainsi la victoire du coup qu'avait donné le prêtre. C'était principalement son nez qui avait encaissé, rejetant ainsi quelques gouttes de sang. Finalement, elle commençait à se demander si c'était vraiment un prêtre. Hormis son habit, ses manières n'avaient rien de celles d'un homme de religion. Lui lançant un regard avide de savoir et pourtant tout aussi froid. Un serpent venait tout juste de se poser sur le prêtre, lui donnant ainsi un air plus féroce qu'avant. Glen accentua ensuite la conversation d'un gloussement strident. À ce moment, son aigle royal se posa sur son épaule. Les serpents étaient depuis des millénaires les proies des aigles, comme beaucoup de bestioles, en fait. Étrangement, le serpent du prêtre semblait tout de suite moins vorace face à son ennemi. Le totem de Glen agitait fièrement ses ailes dans tous les sens, signe de supériorité, mais qui servait également à intimider les proies les plus récalcitrantes. Ça pouvait paraître stupide, mais efficace. Un humain qui bouge ses bras dans tous les sens, il se prend juste un poing dans la tête. L'arrivé de son totem lui avait donné plus de confiances, exprimée par un simple sourire, toujours masqué par les vêtements de la jeune femme. Son totem la suivait toujours, mais de loin, pour ne pas dire qu'il mangeait tout ce qu'il trouvait sur la route. Pourtant, il gardait toujours sa morphologie d'athlète. C'était dû en partie aux exercices qu'il pratiquait régulièrement, légèrement forcé par l'autorité de Glen.

Après être agilement montée sur un pilier, elle fixait pleinement l'étranger qui la dérangeait dans ses programmes. Elle en avait vu du monde en 22 ans et ce prêtre lui semblait de plus en plus être un imposteur, ou encore quelqu'un n'ayant pas suivi de base l'entraînement prévu à cet effet. D'habitude, les prêtes étaient principalement accommodés de manières courtoises. Même si Glen l'avait jeté lamentablement dans la fosse à hérétiques, la plupart des prêtres ne se seraient pas énervés au point de frapper une femme devant un temple, devant une foule contenant d'innombrables habitués de La'an. Son geste allait certainement ternir la réputation du lieu, voir même virer éternellement l'énergumène de l'ordre religieux. Une pensée qui amusait toujours Glen, toujours aussi folle de rage et décidée à lui faire payer son infortune. Ce qu'elle lui fit d'ailleurs remarquer en sautant sur le prêtre du haut de son pilier, le plaquant ainsi au sol. Quant à son aigle, il s'occupait patiemment du serpent du prêtre. Glen se pencha à l'oreille du prêtre, lui murmurant avec un petit fond de fantaisie.

« Écoutes... Tu crois que tu me fais peur ? Non, je ne partirais pas. Oui, je suis une hérétique. »

Une phrase risquée et pourtant dite d'un ton si naturel. Peu de courageux ou de fous oseraient le dire publiquement, surtout dans la ville religieuse qu'est La'an. Dans le cas de Glen, c'était plus de la folie. Elle ne comptait plus sur ça raison, en fait, elle ne savait même pas pourquoi elle s'acharnait à rester ici. Pouvant fuir depuis le début, Glen avait tout de même préféré rester. Que voulez-vous, certains choix sont imprévisibles. Celui qu'elle venait de faire en faisait partie. Suite à l'absence de mot du prêtre, elle lui frappa la tête d'un coup semblable à celui qu'elle avait encaissé précédemment, bien que légèrement moins puissant. La douleur n'en était pourtant pas moins faible, la tête du prêtre finissant par se fracasser contre les planches du pont, pont qui, à ce rythme, ne résisterait pas aux deux psychopathes qui se battaient dessus. Enfin, elle se releva, donnant un petit coup bas (donc vous savez-où) sur le religieux, lui demandant d'un ton aguicheur s'il était encore en vie après ça. On ne sait jamais, peut-être qu'il frimait juste et que c'était un poltron incapable. Ça lui était déjà arrivé autrefois, sauf qu'elle n'avait pas envoyé le prêtre au fond d'une fosse. Le bon vieux temps, en quelques sortes.

La foule poussait un cri à l'unisson, se séparant en deux camps. Certains supportaient toujours le côté du Kelchisme, alors que certains se pliaient pour Glen. La population prenait ça pour un vulgaire combat, mais c'était avant tout un règlement de comptes. Une affaire personnelle dont Glen s'était fait le luxe de promettre la victoire. Pourtant, le combat ne faisait que commencer et son adversaire n'allait pas tarder à donner sa revanche.
En attendant, c'était le temps de gloire de Glen. Cette dernière saisi le prêtre par le cou, le plongeant la tête au bord du précipice, toujours l'air souriant. Elle ne l'avait pas encore battu, mais ça, c'était passé si vite. Il n'avait pas eu le temps de réagir pour l'instant, ce qui, en fait, arrangeait grandement Glen. Elle ne tenait vraiment pas à se faire battre, pour une fois qu'elle pouvait se battre à armes égales avec un prêtre, elle n'allait pas s'en plaindre. Étrangement, elle était plutôt heureuse, ce qui se remarquait du premier coup d'œil.

« Tu veux retourner en bas ? »

Pour Glen, un instant de gloire lui montait rapidement à la tête. Elle se prenait déjà pour une gagnante qui avait tout de permis, la vie de son adversaire comprise. Finalement, elle commençait à trouver que c'était une bonne journée, contrairement, du moins c'est ce qu'elle pensait, au jeune prêtre. Malgré toute son assurance, elle s'inquiétait tout de même pour son totem. Il était en vie, elle l'avait remarqué. Mais elle ne voyait pas non plus leur petite bataille animalière. En fait, il était juste parti se poser sur un pilier. Rassasier par les diverses bestioles avalées en trajet, le serpent ne l'intéressait pas plus que ça.

En visionnant plus précisément cette personne, il vit qu'il saignait. Ah, finalement, la peau de ce curieux personnage était moins dure qu'il ne l'avait pensé au premier abord. Ce dernier ne tarda pas à se relever, le fixant par la même occasion tandis qu'un magnifique aigle royal venait se poser sur le bras de l'étranger. Le serpent eut un mouvement de recul, puis frappa violemment le bout de sa queue sur le sol tout en fixant l'immense volatile. Allons, un aigle contre un python. Le combat, s'il se produisait, promettait un spectacle impressionnant et original. Jhalis inspira profondément avant de mettre ses mains sur ses hanches, relâchant la pression qu'il faisait subir aux gens présents. S'il s'épuisait maintenant pour des broutilles, il risquait de ne pas s'en sortir. La meilleure chose pour le moment était de ne pas éveiller la garde de La'an. Alors, tout en activant une nouvelle fois son don, il vida la mémoire des observateurs durant le laps de temps où il avait frappé cette personne. Certains passeraient certainement à la trappe de son petit manège, mais qui irait croire une personne si des dizaines d'autres démentaient ces accusations ?

Concentré sur ses actions, il n'aperçut le perturbateur qu'une fois en haut de son piédestal. Ça l'avait fatigué. En se retournant vers ce dernier, il remarqua que dans son dos les observateurs commençaient à monter d'un ton, scindant la foule en deux camps. Ça, ce n'était vraiment pas bon pour son grade. S'apprêtant à s'exprimer pour calmer les ardeurs des fidèles, il fut subitement jeté à terre. Sa tête heurta violemment le sol, si bien qu'il était fort à parier qu'un saignement ne tarderait pas. La douleur fit monter d'un cran l'excitation du monsieur. Pourtant, il n'eut pas le temps de réagir. En effet, la personne, qui se trouvait être une femme, se traita elle-même d'hérétiques.
…
Minute, une fille ? Il avait frappé une femme sans le savoir ? Il avait adressé la parole à une femme sans le savoir ? Son cerveau s'embruma aussitôt, pas persuadé d'avoir bien saisi le sens de ses précédentes phrases. Et cette femme l'avait touché. En plus d'avoir l'impression d'avoir été totalement souillé, il ressentait un dégoût inimaginable. Il fallait qu'elle disparaisse, le plus rapidement possible, pour l'intégrité mentale du prêtre. Tout de suite, maintenant qu'elle s'exprimait au féminin, ça changeait beaucoup la donne. Le prêtre était partagé par cette agréable envie de lui rendre la monnaie de sa pièce et celle de l'éloigner le plus rapidement possible. Il lui était impossible de faire demi-tour. C'est pourtant ce qu'il se devait de faire pour rattraper son coup passé. Se relevant malgré la douleur et sa vue troublée, il fut rapidement rattrapé par cette folle furieuse et reçut un bon coup bien placé qui lui fit réellement tourner la tête. Quand il parvint à ouvrir les yeux, il se retrouva une nouvelle fois face au précipice. Et cette femme le maintenait fermement, tout en lui demandant s'il voulait retourner en bas. C'en était trop, hein que c'en était trop ? Ça suffisait, l'accumulation. Pour une fois, il ferait abstraction de cette femme. Parce que d'une, elle n'y ressemblait pas avec son manque total de poitrine. Au plus avait-elle une voix féminine. Secouant vigoureusement la tête malgré le refus de fonctionner de son cerveau, il se mit à sourire. S'il voulait retomber ? Non. Néanmoins, il attrapa le bras de la désormais demoiselle et murmura à son tour.

-Pas tout seul en tout cas.

Et sur ces mots, il pivota sur lui-même et souleva la femme de l'autre côté du pont de façon à perdre lui-même l'équilibre, se laissant par la même occasion entraîné dans la chute. S'il étai irréfléchi ? Probablement. Ça puait en bas, mais il puait déjà. Elle, en revanche, elle risquait de moins apprécier. En plus, ils seraient déjà moins visibles pour ceux d'en haut. Maintenant le bras de la jeune femme pour être persuadé que son volatile de malheur ne la ramène en bas, il s'écrasa en même temps qu'elle sur ce tapis de cadavres. Se relevant rapidement, il se saisit des chaînes qui entravaient son cou pour les passer autour de celui de cette demoiselle et maintenir une suffisamment forte poigne pour la faire réagir. Ce fut à son tour de parler.

-Je t'ai fait un prix, tu auras eu la chute avant la corde autour du cou. J'espère que tu apprécies.

Et tout en maintenant sa prise, il tâcha de ne pas trop trembler. Ces femmes. Il détestait les femmes. Il les haïssait. Et il en touchait une à présent. Afin de la priver d'une éventuelle fuite ou coup tordu, il s'empressa de la mettre sur le ventre, bloquant avec ses pieds l'action de l'autre paire de jambes. Il la plaquait d'une main, et l'autre tenait la chaîne. Mais alors survient quelque chose qu'il n'avait, de toute évidence, pas remarqué. Mise à part la présence de son serpent encore en hauteur, certainement en bataille avec le volatile, un pouvoir de feu fut déclenché à quelques mètres des deux batailleurs. Levant les yeux, relâchant très légèrement sa prise, il en chercha l'auteur, sans le trouver. Voilà ce qu'elle avait déclenché, cette folle furieuse. Ça risquait de devenir dangereux, très rapidement. Les escaliers étaient encore accessibles, et c'est tout ce qui comptait pour l'instant. Il dirigea un regard vers la demoiselle tandis que les premiers corps prenaient feu.

-Je me demande si ton aigle te sortira de ce pétrin, demoiselle.

À l'inverse, Jhalis n'avait aucune autre échappatoire que cet escalier. Tant qu'il était visible, il ne risquait rien. Mais les corps s'enflammeraient très vite. La suite promettait.

Quel ne fut pas sa surprise en chutant, écarquillant les yeux. L'homme s'était jeté dans le vide, tenant ainsi la jeune femme pour lui assurer la même chute. Elle aurait presque pu ressentir de la compassion vis-à-vis du prêtre, n'appréciant pas la longueur de la chute et l'atterrissage. Un fracas d'os. Glen se retrouvait recouverte de sang et de morceaux de chairs putréfiés, allongé dans un tas de cadavres. Une odeur de soufre titillait le nez de Glen, l'obligeant à scruter les parages. Un feu. Les prêtres, sans doute, avaient mis le feu aux cadavres présents dans la fosse, vidant l'endroit pour de nouveaux arrivages. D'en haut, les civils étaient acculés contre la barrière, admirant le bûcher comme une œuvre d'art, ignorant totalement Glen qui était restée dans la fosse. La seule issue n'était pas praticable. Le prêtre s'était élancé dessus, ne donnant pas spécialement envie à Glen de s'y risquer. Elle n'avait pas peur de lui, mais on ne sait jamais de quoi il est capable dans un endroit confiné. Néanmoins, le prêtre lui avait donné une échappatoire. Il lui avait parlé de son aigle, son totem. Les rebords du précipice étaient rugueux, recouverts de multiples prises et appuis. Une séance d'escalade. Elle ne se contentait pas de remonter, prise après prise. Elle sautait de roche en roche, pendant plusieurs minutes. Se demandant même qui serait le plus épuisé une fois au sommet. Son adversaire, monté par les escaliers ou bien elle-même. Glen avait une forte envie d'arrivé en première, pour tendre un piège au prêtre. Rien de bien méchant, par rapport à ce qu'elle avait pu lui faire subir.

Une fois en haut, elle fut traversée par une onde de sarcasme. Le prêtre ne semblait toujours pas être remonté en haut, ce qu'elle comprenait en vue de l'état déplorable du chemin. L'idée qu'elle avait été vile et, pourtant, aurait pu réussir à la faire rire. Saisissant un tonneau assez lourd, il devait être rempli d'eau bénite, elle le lança dans les escaliers. On peut dire que le prêtre allait s'en prendre une. Dans le pire des cas, il retomberait tout en bas, brûlant ainsi parmi les hérétiques. Selon les plans de Glen, il allait juste se prendre un tonneau d'eau bénite dans la tête. À la limite, il exploserait contre le prêtre et, l'air moqueur, l'aspergerait d'eau bénite. Depuis le départ, Glen tentait de le provoquer. Ce qu'elle avait réussi, d'ailleurs. À ses yeux, asperger un homme de religion d'eau bénite, c'était l'insulter de démon. Elle faisait fort à ce niveau. Le jeter dans un endroit réservé aux hérétiques, puis le bénir. Au fond, elle comprenait largement pourquoi il s'était énervé si facilement. Glen finissait même par se demander si elle avait tort, mais vous la connaissez. Une tête brûlée comme elle ne l'admettrait jamais en public, même si elle devait contredire ses propres sentiments. Glen n'avait aucune raison particulière de s'acharner, seulement, c'était comme ça.

Baissant la tête, elle vit une chose très spéciale. Glen ne la baissait pas à cause d'un quelconque complexe d'infériorité, elle avait simplement entendu un petit frottement, provoqué par un python albinos. Son espèce précise, le python réticulée, lui était inconnue. Mais ça lui avait suffi pour le reconnaître immédiatement. C'était celui que transportait le prêtre. Ce qu'elle pensait prendre pour son totem, d'ailleurs. C'est assez rare qu'un serpent de cette taille sympathise avec un humain au point de le suivre de partout. De plus, il semblait savoir parfaitement où se trouvait son maître. C'était obligatoire, ils étaient liés. Un souvenir. Celui de son père adoptif parlant des serpents ; comme quoi, plus ils se démarquaient, plus ils étaient dangereux. Malheureusement, l'albinos était un cas à part. Sa couleur était due à une pigmentation particulière, ce n'était pas naturel. Il avait une aura étrange.Glen n'arrivait pas à avoir peur, fixant droitement les pupilles du serpent. Elle n'avait pas vraiment l'habitude de voir des personnes avec les mêmes yeux qu'elle. Elle avait l'impression que sa tête allait exploser, jusqu'à l'évacué avec un secouement banale. Ses blessures remontaient avec toute cette agitation.

Le prêtre avait l'air de vouloir montrer le bout de son nez, remontant les escaliers toujours avec son air de fou-furieux que lui donnait Glen. Aucun doute, elle ne l'appréciait pas vraiment pour le moment, voir même pour toujours. Ce n'était pas forcément meilleur que la mine de Glen, qui ne prévoyait rien de bon non plus.

«  J'imagine que tu en as besoin de ça ? »

Pourquoi cette demoiselle l'énervait-il autant ? Il ne parvenait pas à comprendre ce qu'elle ressentait, et ça le mettait mal à l'aise. Il fallait être fou, non complètement abruti pour oser frapper ouvertement un prêtre et s'auto déclarer hérétique. C'était comme annoncer sa mise à mort avant même d'avoir la corde au cou. C'était... totalement insensé. Jhalis, lui-même religieux, ne se servait de cette excuse que pour être tranquille. À l'origine, il avait rejoint les prêtres extrémistes par pure nécessité, et parce que le roi lui-même lui en avait intimé l'ordre. Ça avait été ça ou la mort assurée. Il s'en était sorti et depuis la vie était beaucoup plus douce. Mais tout de même, de temps en temps, ce genre de personnages malfamé se présentait devant lui, avec l'air d'un justicier défendant la cause des minorités. Le seul problème, c'est qu'il s'agissait d'une minorité et que c'était bien sûr le gouvernement auquel on s'attaquait indirectement en proférant des injures contre l'église. C'était plus précisément s'attaquer à la légitimité des droits de royauté du monarque d'Heka. Et ça, ce n'était pas rien. Tôt ou tard, cette jeune demoiselle travestie le paierait de sa vie.

Alors, pourquoi s'était-il excité de la sorte, hein ? Pour défendre un prêtre qui ne l'avait même pas remercié, alors que quelques minutes plus tôt il était en de très bons termes avec le monde entier ? Ça non, qu'est-ce qui l'avait poussé à répliquer aux coups de cette mijaurée ? Et qu'est-ce qui poussait ce nombre sans cesse croissant de fidèles à rester les bras croisés et observer ce duo de carnassier se lancer des piques toujours plus mauvaises ? Il ne comprenait pas. Et c'était bien au milieu de ce bûcher infernal de corps en décomposition que se produisait sa première réflexion depuis leur altercation. Quel idiot il faisait, très honnêtement. Il sentait son totem, en haut, lui faire de grands appels de phares pour le prévenir que l' »allée » menant aux escaliers de secours ne tarderaient pas à être assailli par les flammes. Qu'il verrait par ailleurs son échappatoire disparaître devant ses yeux. Ses pieds commencèrent à s'échauffer sous les ardentes langues de feu, mais il ne bougeait toujours pas. La réflexion, disait-il. Il lui fallait du calme, et visiblement cet endroit était le meilleur pour lui en procurer. Au loin, il voyait cette folle furieuse grimper à main nue les bords de la roche. Un léger sourire carnassier vint étirer ses lèvres métisses. Ça, pour être une folle furieuse, c'en était une. S'il n'avait pas autant détesté les femmes, il l'aurait presque trouvé originale. Mais là, il ne l'appréciait pas du tout, et songeait davantage à un moyen de disparaître de sa vue le plus rapidement possible plutôt que de déclencher un scandale là-haut. Amenant sa main à son menton, il partit dans une profonde réflexion. Hmm... il commençait à avoir sérieusement chaud.

Bien vite, agacé par les envois télépathiques à répétition du reptile sur le pont, le prêtre se décida à remonter doucement les escaliers, marchant avec précaution pour ne pas trébucher. S'il tombait maintenant, c'était la mort assurée dans d'atroces douleurs. Et l'incinération, très peu pour lui. En relevant la tête juste assez rapidement, il vit un tonneau exploser en mille morceaux juste devant lui. Les éclats de bois écorchèrent aussitôt ses bras qu'il mit en bouclier pour son visage. Bien vite, le prêtre qui souffrait à peine de la chaleur se retrouva inondé de la tête aux pieds. L'odeur qui se dégageait de cette eau lui remit rapidement les idées au clair. Ce n'était pas de la simple eau bénite. Elle avait été aromatisée. Et si elle se trouvait dans un tonneau, il était fort à parier qu'il était destiné aux célébrations de La'an. Cette idiote lui avait balancé ce tonneau d'eau à la figure sans savoir ce qu'il y avait dedans. Il la retenait, ça oui. Exerçant une pression sur ses vêtements, il prit le temps de s'arrêter dans sa course pour les éponger. Il observa la longue estafilade de sang le long de son bras et soupira douloureusement. Non pas qu'elle lui faisait souffrir – et puis, devions-nous rappeler que le jeune prêtre était ô combien masochiste – mais c'était un sentiment de mal-être qui le prenait alors. Il serait obligé de se soigner rapidement s'il voulait assister aux représentations religieuses de demain. Inspirant profondément, il remonta les marches, son air furieux progressivement remplacé par un regard sérieux. Bien, ce n'était après tout pas à lui de se charger de tout cela.

En haut des marches, il fixa durement cette jeune personne, sentant la blessure de son bras plus profonde qu'il ne l'avait pensé. Le lourd serpent se hissa bientôt à hauteur du métisse, l'entourant du mieux qu'il le pouvait. Les mâchoires serrées, le prêtre tâcha de ne pas déclencher un nouveau conflit inutile. Ça ne servait à rien de discuter avec elle, après tout. Et visiblement, cette tête brûlée avait le poing facile, si l'on pouvait dire. Jhalis en avait assez pris comme ça, la leçon était passée pour lui. Il secoua la tête pour faire partir les gouttes d'eau tombant de ses cheveux, tout en croisant les bras. Ce n'était pas à lui de se charger de ces affaires-là. Il était un homme de foi, et d'après son contrat, il n'avait pas été embauché en tant que garde même s'il portait toujours son épée au cas où. Il ferma les yeux un instant, avant de les rouvrir, décidé. Avec tout ce tohu-bohu, il était fort à parier que quelques représentants de la loi ne se soient intéressés au sujet. Ils ne pouvait simplement pas passer à cause de l'agglutination de personnes, et n'avaient certainement pas non plus envie de se mêler à ces histoires. Mais c'était leur boulot, après tout. Alors, en portant sa voix du mieux qu'il le put, il hurla un très puissant :

« Gardes ! »

Une certaine agitation parut au même moment. Les passants se rendirent enfin compte de la situation et cessèrent leur voyeurisme pervers, reprenant tout à coup leurs chemins respectifs, permettant aux quelques concernés par l'appel de venir aussitôt se placer auprès du prêtre. Finalement, sa grosse coupure allait tourner à son avantage. Mimant parfaitement une forte douleur au bras, il en profita pour planter discrètement ses ongles dans sa propre chair à vif pour déclencher un saignement plus intense, lui arrachant un réel grincement de dents. Après tout, il n'avait qu'à jouer la comédie sans s'exprimer, les gardes sauraient bien vite contre qui s'attaquer. Et eux, en plus d'être trois, se trouvaient également armés et entraînés.

« Vous saignez à flot... Arrêtez cet individu ! » cria l'un d'entre eux en posant une main encourageante sur l'épaule du prêtre.

C'était plus qu'une aubaine pour le métisse. Il avait certes un bras gauche hors service, mais paradoxalement trois paires de bras supplémentaires et un serpent toujours très actif et plus protecteur que jamais. Néanmoins, il était temps pour lui de tirer sa révérence. Fermant un œil, l'air de souffrir le martyr, Jhalis se dégagea de la poigne sympathisante du garde pour lui lancer, l'air de tomber dans les pommes.

« Occupez-vous de votre travail, je me charge de me procurer des soins. »

Et en effet, même si une certaine touche de comédie avait été ajouté à cela, la perte de sang ne tarderait pas à provoquer une anémie au quinquagénaire. Alors, il ne tarda pas à s'éclipser discrètement. Il ne considérait pas la bataille gagnée, mais il avait de toute évidence gagné la guerre. Et ça, ça lui suffisait amplement.

Quelle déveine ! L'énergumène avait osé, sans même une once d'hésitation, dénoncé Glen. Il s'était fait passé sans aucune gêne pour la victime, alors que c'était lui qui avait commencé à provoquer la Voldacar. Les gardes, toujours fidèles au Kelchisme comme des chiens le seraient à leur maitre, se mirent immédiatement à la poursuite de Glen, la traitant de tous les noms pour la rattraper. Elle était rapide, mais ce n'était pas suffisant. Semer une troupe de soldats n'est pas chose facile, d'autant plus qu'ils possédaient tous des pouvoirs. D'ailleurs, un d'entre eux ne se gênait pas pour lancer des boules de feu à Glen. À quoi bon la capturer vive ? De toute manière, c'était la pendaison et le bûcher qui l'attendaient. Bien qu'elle soit, habituellement, d'une nature assez téméraire, ça ne l'empêchait pas d'avoir peur et de frissonner à cette idée. Si elle fuyait, elle deviendrait une criminelle. Si elle restait, elle serait pendue. Mourir de suite ou mourir d'ici quelques semaines tout au plus, honnêtement, elle admettait pleinement son erreur, celle d'avoir agressé publiquement un prêtre. Enfin, qui ne le ferait pas. Vous vous êtes déjà fait poursuivre par l'armer, vous avez déjà balancé un prêtre du haut d'un pont ? Ce sont des choses qui ne pardonnent pas.

Tous ces événements l'énervaient au plus haut point, lui décrochant une grimace. Sincèrement, elle avait envie d'assommer celui qui avait insisté pour qu'elle aille visiter La'an, cette personne qui l'avait adoptée. Quelle idée ! Une ville remplie de cadavres ainsi qu'habité par des prêtres comédiens. Glen avait simplement envie de partir loin, très loin d'ici et rapidement. La chaleur tentait quasiment de l'asphyxier, les sentiers étaient brûlants sous ce soleil d'aplomb et les maisons laissaient refléter les ombres de centaines d'hérétiques, baignés dans les flammes. La'an, une ville chaleureuse et religieuse, initiée au Kel'chisme ? Glen, elle, ne l'aurait pas décrite comme ça. Plutôt « La'an, une ville rugueuse et sataniste, initiée au culte des monstres ». Elle avait beau avoir tué beaucoup de personnes jusque-là, Glen était toujours aussi choqué de voir la religion d'Heka pendre publiquement les infidèles.

Les gardes criaient sans retenue, lâchant perpétuellement des injures et des ordres. Ils avaient commis une erreur. Heureusement pour Glen, les gardes de la ville semblaient infiniment moins rapides qu'elle et son pouvoir, les laissant plusieurs mètres derrière elle. Glen ne faisait pas dans la finesse, elle avait clairement prévu de les délaisser. Dieu seul sait à quel point tous ces gens l'agaçaient. Son seul rayon de soleil avait été lorsque le gamin, qui était passé sur le pont précédemment, avait souri en la voyant jeter le prêtre dans la fosse. À vrai dire, elle avait également apprécié ce moment, ce n'est pas tous les jours qu'on peut faire ça. Il faut savoir profiter de la vie, c'était ce que lui avait appris son tuteur. Il était bien placé pour lui apprendre ce genre de chose, mangeant de la viande et buvant de l'alcool jusqu'à s'en péter le gosier. Riant à toute heure pour une simple poule. Les joies de la vie. Enfin, nous ne sommes pas là pour parler de philosophie, mais plutôt d'une traque. Il faut dire qu'ils étaient tenaces. Les gardes ne semblaient pas vouloir la lâcher de vue, sans doute, car tant qu'elle était en ville, Glen était vulnérable.

Une rue. Glen s'était immédiatement faufilé à l'intérieur, se cachant dans un tonneau entrouvert. Il empestait. Elle s'était retrouvée dans du vin, ou encore de l'eau remplie de moucheron. Ce n'était pas très accueillant, mais c'était toujours mieux que la mort. Au moins, si l'unité qui la poursuivait utilisait des pouvoirs de taquage, vu l'odeur se dégageant de l'orifice, ils n'arriveraient pas à la trouver. Malheureusement pour elle, ils n'étaient pas si bêtes. Un des gardes avait pénétré la rue, sans doute envoyé en tant que reconnaissance. Il avançait calmement vers le tonneau, alors que Glen l'observait de par un trou demeurant au-dessus de la surface du liquide. D'un coup violent, elle s'était propulsée avec le tonneau qui, peu résistant, s'était brisé contre le garde. Il s'était fait assommer. Prenant son air le plus sadique, Glen posa son pied sur la tête du garde, marmonnant quelques paroles.

« Fais toujours attention aux tonneaux. Ils ont l'air inoffensif, mais ils cachent tous un terrible pouvoir... Moi ! »

Elle était partit en courant vers la sortie de la ville, espérant bien en partir sans se faire interrompre.

[HRP= DU TEMPS ENFIIIIN, du coup j'espère que ça te va]

Cette histoire ne tournait pas en sa faveur, mais il savait tirer les ficelles pour parvenir à gagner la partie. Jhalis, pourtant peu amène à devoir faire appel aux gardes, ne trouva néanmoins aucune autre solution. Il les siffla, bien conscient qu'en rendant public et officiel cette rencontre, il devrait rendre compte de la situation à ses supérieurs et que cela finirait sans nul doute par une sévère correction. Mais qu'importe, c'était ça ou salir son propre honneur. Et à choisir, il préférait rester égoïste et fier. En observant filer le garnement poursuivit par les gardes, un léger sourire vint fendre ses lèvres. Voilà, il n'aurait déjà plus à s'occuper de ça. Retirant ses doigts de son bras à vif, le prêtre s'adossa vivement au pont. Sa tête lui tournait légèrement et il se demandait s'il ne commençait pas à voir un peu trouble. Après tout, il commençait à perdre une quantité de sang non négligeable. Aussi, sous le regard attentif de son totem, Jhalis s'accroupit et prit le temps de respirer à grandes goulées. Il était trempé, et ses cheveux laissaient filtrer de grosses gouttes d'eau mélangé à sa propre sueur lorsqu'il était encore en bas. Curieusement, l'odeur aromatisée de l'eau purifiée avait limité sa précédente puanteur face aux cadavres du dessous. Il inspira profondément et s'autorisa un regard en contrebas. Les langues de flammes se régalaient du repas organique. Ah, pour ça aussi, il se ferait sévèrement punir. Mais qu'importe, il était encore en vie. Et pendant un moment, il aurait pu en douter. L'eau, légèrement alcoolisée, ne manqua de piquer rapidement la blessure ouverte.

Et là, enfin, quelques passants se risquèrent à venir s'enquérir de l'état du prêtre. Ce n'était somme toute pas trop tôt. Le métisse leva les yeux vers les curieux et leur lança un regard se voulant sympathique et désolé. La réalité était bien autre. Il se releva, encerclé par son immense serpent, tandis qu'on lui tendait une serviette blanche dans laquelle il pourrait se sécher. Il s'étonna un instant qu'un passant se balade avec une serviette, mais accepta gentiment en s'en enroulant autour du cou. S'il allait le lui rendre ? Les prêtres étaient considérés comme des prêcheurs de la bonne parole. Leur faire un cadeau signifiait s'attirer les faveurs de Kel'Chin. L'homme qui le lui avait tendu n'avait sans doute aucune autre idée en tête. Aussi, Jhalis profitait de cette naïveté sans égal pour tirer profit de chacun d'eux. Sa blessure le piquant, il décida de se diriger vers le temple afin de se soigner. Et là, il croisa cet ami vivant ici, prêtre également. Celui qui, plus tôt, n'avait pas hésité à passer sa journée en sa compagnie. À la vue de sa blessure et de son attitude froissée, le prêtre blond de son nom Lyrhma ne put s'empêcher d'accourir vers lui :

-Jhalis, non mais c'est quoi ce bazar ? Pourquoi le feu est-il allumé ? Mais qu'est-ce que tu fais dans un état pareil ? Oh par pitié, dis-moi que tu n'es pas à l'origine de tout ceci.
-La ferme Lyrhma, j'suis vraiment pas d'humeur. Cette satané femme... Je lui passerait moi-même volontiers la corde au cou.

Et tout en ronchonnant de nouvelles paroles, le prêtre blond ne put s'empêcher de soupirer longuement. Jhalis était de bonne humeur en temps normal. En fait, même quand il n'appréciait pas quelque chose, il souriait et mimait le contraire. Le voir dans cet état était en quelque sorte un honneur. Ça permettait aussi d'être certain de son état mental et physique. Aussi, se saisissant de son bras valide, Lyrhma le dirigea vers la sortie de la ville, emplacement de sa maison. Il lui indiqua rapidement qu'il allait le soigner et qu'il fallait mieux pour lui qu'il déguerpisse rapidement s'il ne voulait pas en plus avoir affaire aux Grands Prêtres de La'an. Acquiesçant relativement faiblement, Jhalis se décida à suivre son ami, non sans maintenir comme il le pouvait son bras hors d'usage afin d'éviter une trop grosse perte de sang. Durant leur quelques échanges jusque là, le blond s'exprima avec douceur, émettant une hypothèse qui pouvait se trouver bien plus véridique qu'il ne croyait.

-Tu sais, il y a des possibilités qu'on t'assigne à cette personne quand tu passeras en Conseil. Tu sais, du genre de voir la surveiller et lui apprendre les bonnes manières sis tu vois ce que je veux dire. À mon avis, ça risque de ne pas t'enchanter, alors tu devrais la laisser partir.

Et lorsqu'on parle du loup, on en voit la queue. Ni une ni deux, la jeune demoiselle passa en vitesse dans la rue, se dirigeant à vive allure vers la sortie. Dans une rue adjacente, non visible par cette femme, une série de deux ou trois gardes parlant tranquillement avançaient droit sur elle. Elle risquait de se faire attraper, ça oui. Hésitant un moment, Jhalis délaissa son ami et se rua aux dépens de ses propres blessures sur cette jeune femme, bousculant de nombreux passants au passage. Il attrapa sa main et plaqua son corps contre elle pendant le laps de temps où les gardes passaient, posant sa main sur la bouche de la demoiselle pour l'empêcher de parler ou de se débattre. S'écartant rapidement par la suite, conscient d'avoir son ami sur les talons à quelques mètres seulement, il inspira et lança, encore subjugué par les récents contacts avec sa phobie.

-Va-t-en. Ne prends pas le pont, il y a trop de gardes, tourne à droite puis la première à gauche, il y a un escalier pris par les prêtres et bien entretenu, mais il ne devrait y avoir personne. Dégage d'ici, ça ira mieux pour toi comme pour moi. Au plaisir de ne jamais te revoir.

Jhalis avait beau se comporter de manière très enfantine, par moment il savait ce qui était le mieux pour lui. Lâchant la main de la demoiselle, il l'envoya vers la rue indiquée tout en se rapprochant de son ami. Merde, il avait vraiment mal maintenant. Ça le rendait faible et aussi plus gentil. Que ce garnement en profite pour déguerpir tant qu'elle le pouvait encore. C'était ne jamais la revoir ou subir le supplice d'être son tuteur. Et Lyrhma avait raison. Il n'était pas rare que pour quelques cas – où notamment le prêtre était également en tort, même si l'on ne l'annonçait pas de cette façon aux autres – que certains prétendus au bûcher y réchappent à condition d'être sous la direction d'un membre de l'Eglise.