Raven alias Mémé est loin d'être une jeune fille que l'on rêve de fréquenter, il s'agit plus de la personne que l'on évite, qui nous fait peur car dans ses yeux on peut y lire une haine amère envers l'humanité, la personne qui reste tout le temps seule et qui ne fait que gratter du bout des ongles son bureau déjà noir d'écritures en tout genre en murmurant des insanités. Elle chante pourtant merveilleusement bien lorsqu'elle est triste.

Mémé possède cette aura effrayante, ce sourire à vous glacer le sang et ce regard qui vous envoie immédiatement sous votre couette collé à votre peluche, le pouce dans la bouche, en appelant votre mère. Pourtant, ces défauts physiques elle n'y est pour rien.. Ou juste un peu je l'admets. En effet elle aime jouer de son image pour effrayer les gens, se sentir respectée et dominante c'est ce qui la motive le plus à se lever le matin. Elle se nourrit de la solitude. Mémé ne prend absolument pas soin d'elle, plus elle est décoiffée mieux c'est, apparemment c'est plus amusant, la seule chose dont elle prend soin capillairement parlant c'est sa frange toujours parfaitement droite. Mais ce qui est encore plus amusant c'est qu'elle ne tient pas l'alcool, rien qu'une gorgée de bière et elle est raide, elle devient totalement son opposé lorsqu'elle est saoule, souriante, joyeuse et drôle. Tout ce qui lui manque naturellement quoi.

C'est quelqu'un de très têtue, d'insupportable, qui manque cruellement de discipline, refusant simplement d'obéir aux ordres. On avait déjà remarqué ce tempérament quand elle était en maternelle, préférant crayonner à coup de marqueur noir les robes de princesses plutôt que de les porter malgré les plaintes des adultes et punitions à tout va. Ben oui, le rose c'est moche, les paillettes ça brûle les rétines et elle vomit sur tout ce qui se rapproche des histoires d'amour. Ah oui, elle n'aime personne, mais si elle déteste quelqu'un elle lui fera savoir, parce que ce ne sont pas les répliques cinglantes et menaces terrifiantes qui manquent en ce cas. La compassion ne fait pas partie de son vocabulaire, la pitié et le tact non plus, elle est bien trop impulsive pour réfléchir à comment formuler une phrase sans blesser quelqu'un, au pire la personne aura toujours aussi mal suite à la nouvelle, alors on s'en contrefout n'est-ce pas ?

Mais derrière cet aspect un peu brutal de notre chère Mémé se cache une fille sensible qui pleure en lisant un livre, une sale gamine qui a terriblement peur de l'eau et du noir car lorsqu'elle se trouve enfermée dans une pièce obscure elle ne peut s'empêcher de hurler et de s'égratigner les avant-bras avec ses ongles, s'accrochant à tout ce qui lui passe sous la main, heureusement la vision nocturne que lui prodigue son totem la rassure un peu, mais la peur la rend complètement folle. C'est aussi pour ça qu'elle a les ongles coupés, si ils sont trop longs, elle en souffrira quand elle se calmera suite à une crise de folie dans le noir. Elle ne sait pas nager.

Elle aime passer son temps à jouer avec les animaux, elle rêve de pouvoir toucher un nuage et elle aide les personnes en difficultés secrètement. Contradictoire n'est-ce pas ? Elle déteste l'humanité mais elle ne peut s'empêcher de l'aider, son excuse est la suivante ;

Une vraie garce en fait.

La seule personne avec qui elle s'entend bien c'est son totem ; Jack. Elle a la manie d'arracher les lobes des oreilles de ses victimes pour les donner à manger à Jack, il s'agit d'une récompense que lui avale goulûment et qu'elle regarde, attendrie avant que le félin ne retourne d'où il est venu.

On raconte qu'un jeune mioche l'a vue rire aux éclats en regardant la lune, elle possède sûrement un humour bien caché et cinglant. A éviter.

Raven n'a pas un physique exceptionnel, c'est pas vraiment le genre de fille qui donne envie de se retourner dans la rue. Petite taille, cheveux très sombres lui arrivant au milieu du dos avec une frange bien coupée comme il faut, joues toujours rouges et aucune foutue poitrine. Ça change des animes vous me direz. Elle a des mains robustes et pourtant toutes riquiqui. Elle ne s'habille qu'avec des vêtements volés, elle aime énormément les jupes bien qu'elle ne supporte pas qu'on regarde ses jambes, du coup, malgré ça, elle en met quasiment tout le temps. Certes, elle vole des habits, mais elle a tendance à se mettre à poil dès qu'elle en a l'occasion, absolument pas pudique la demoiselle. Elle porte toujours les mêmes chaussures, des mocassins noirs. Les tenues d'écolière lui vont à ravir alors qu'elle n'est jamais allée à l'école, on ne change pas les bonnes habitudes, le vol c'est gratuit. Aucun tatouage ni piercing particulier, elle trouve ces machins ridicules et préférerait qu'on lui perfore l'estomac plutôt que de s'en faire. Ses yeux sont toujours d'un marron-rougeâtre, non je vous jure qu'il ne s'agit pas là de la descendante de Satan en personne, elle a bien plus de classe que lui.

Je me souviens de pas grand chose vous savez, c'est à peine si je me rappelle de la sale face de ma maternelle ou même de mon enfance qui d'après les sauts de ma mémoire à chaque fois que je tente un forcing ne devait pas être des plus joyeuse. Les seuls trucs nets dans mon esprit commencent à mes 15 ans quand je me suis réveillée en pleine nuit dans un tonneau avec une odeur âcre d'un vieil alcool.

Y avait personne aux alentours, tant mieux parce que j'étais à poil, comment et pourquoi, me demandez pas.  De toute façon, il faisait nuit noire, c'est à peine si je voyais où je mettais mes pieds, ce qui n'était pas pour me rassurer. Je ne savais pas où je me trouvais, si j'étais encore à Kahl ou si j'avais bougé vers Whalis.

Du coup, j'ai simplement avancé aux hasard dans les rues qui étaient totalement vides, genre pas un chats. Enfin si. Un miaulement rauque était parvenu à mes oreilles donc y avait effectivement un chat, la seule chose que je voyais de lui c'était ses yeux d'un gris magnifique, j'ai donc supposé qu'il était noir. De base, j'avais commencé à changer de chemin, j'avais jamais aimé les chats, ils me ressemblent trop, bruyants, malsains et manipulateurs. Mais il a suffit qu'il lâche un autre long miaulement pour que je concentre toute mon attention sur lui. Je me suis donc approchée à tâtons jusqu'à me trouver face à un félin tout ce qu'il y a de plus banal ;

« - Tu pourrais pas te la fermer crétin ? Tu crèves la dalle ? Va voler des trucs dans les poubelles, au pire tu risques juste de tomber sur un sandwich empoisonné et tomber raide mort mais au moins ça me fera des vacances.
- …
- Putain ça fait cinq minutes que t'arrêtes pas de l'ouvrir et il suffit que je te parle pour que tu dises plus rien. Saleté de chat. »

J'ai pas pu m'en empêcher sur le coup, je l'ai caressé. J'étais censée être en rogne, j'aurais du le frapper, mais c'était marrant, j'en avais pas envie et j'ai bien fait. Une étrange sensation m'a parcourue tout le corps et c'était plutôt agréable.

« - Donc c'est toi mon totem. Raaaaah. Manquait plus que ça. Je hais les chats. »

Malgré mes mots j'avais continué de le caresser, son ronronnement résonnant dans toute la rue. Je me souciais même pas de quel pouvoir j'avais hérité, je m'étais juste fait mon premier ami dans ce bordel, en plus c'était l'ami qui me permettrait de pas sombrer dans la totale folie, parfait donc.

J'avais pas remarqué que la ruelle s'était un peu illuminée. Enfin illuminée, c'est vite dit, je voyais juste des objets proches et mon corps.. Totalement nu ? Merde ça m'était sorti de la tête. Heureusement que j'ai discerné un fil à linge avant de retourner dans le noir complet une fois que j'avais lâché le chat. Après avoir plusieurs fois posé ma main sur la petite tête et l'enlevée voyant que la rue s'illuminait alternativement, j'en ai conclue que mon pouvoir permettrait de voir dans le noir. De plus j'entendais beaucoup mieux qu'avant, les gouttes d'eau me paraissaient plus proches et les rires gras des habitants un peu moins lointains. Fini les crises de paniques, y avait pas plus heureux en ce moment même dans tout ce putain de pays.

Bon c'était pas tout, mais j'étais toujours à poil, je me suis donc dirigée vers le fil à linge. Merde il était plus haut que prévu. J'avais donc escaladé un tonneau qui comme par hasard avait décidé de ne pas tenir sur ses planches, je fis donc une chute mémorable, ou presque, puisque j'avais réussis à retomber sur mes jambes et à avoir attrapé quelques habits. Sympas. En plus de la vision nocturne et de l'ouïe je pouvais être plus souple. Je vais tous les défoncer avec ça! Bon, c'était pas spécialement des vêtements classes du peu que j'avais vu, mais ça suffirait amplement, j'avais pas franchement envie de me faire violer.
A cette heure-là les fabricants d'amulette étaient fermés, donc l'amulette attendrait demain matin.

« - Comment je vais t'appeler toi ? Faudrait un truc qui sonne bien, genre un truc qui aille bien avec mon surnom.. De toute façon pour le peu que je vais te voir. Jack ça te va ?
- Miaou.
- Bon va pour Jack. De toute façon je m'en fous de ton avis. Jack et Mémé. Mémé et Jack. C'est classe quand même. »

J'ai donc pris mon beau totem dans mes bras et on a déambulé dans les rues jusqu'au matin, chippant des trucs utiles sur le chemin comme un sac, un couteau, des vêtements, des fruits et un peu d'argent. D'ailleurs je n'avais pas assez pour payer l'amulette.. Et je me voyais pas faire l'aumône dans ce genre d'endroit. Vu le taux d'agressivité des passants j'en ai conclu que j'étais toujours sur Heka, c'était pas plus mal, je me voyais mal rendre visite à ses riches péteux de Dena, quoi qu'il faudra bien y aller un jour et que pour le coup, ça m'aurait pas mal arrangée.
Je suis partie voir un de ces fabricants et malgré un prix bas, je n'avais toujours pas assez pour le payer, j'ai tenté de négocier avec des petits travaux ou autre pour rembourser la différence mais il m'a envoyée balader. Tellement peu d'amabilité. J'avais bien pensé à voler encore mais c'était pas la solution à tout, j'ai pas envie de finir comme ces loubards merdeux. Je me suis donc posée les fesses par terre, attendant qu'on daigne me balancer des pièces. J'avais le droit d'espérer nan ?
De toute façon, j'ai bien fait parce qu'un homme d'une bonne centaine d'année s'est baissé, m'a jaugée de haut en bas avant de m'agripper le bras violemment et de m'entraîner dans ce qui semble être son taudis, enfin je veux dire, sa maison. Je m'étais assises sur une pile de journaux attendant des explications, j'avais même pas peur, je sais que je suis étrange. L'un d'eux s'appelait 'Les Potins de Kahl' au moins j'avais pas changé de ville.. juste ce qui me semble être de quartier.

« - Tu sais lire et écrire ? M'avais demandé le vieux.
- Sans problème. »

Contrairement à tous ces bouffons, j'avais eu une éducation et malgré quelle soit un peu foireuse, je savais encore me démerder dans tout ce qu'est mathématiques, français et même l'histoire du pays.

« - Tu me copieras au complet ce recueil de poèmes, je te donnerai de l'argent en échange et si tu termines avant ce soir, je t'offrirai un lit pour cette nuit.
- Pourquoi tant de gentillesse ?
- J'ai vu dans tes yeux une lueur que je ne vois dans aucun autre regard à Heka, une lueur d'innocence et de bonté. Je sais que tu ne me feras aucun mal jeune fille, va de suite te mettre au travail. »

Le vieil homme m'avait tendu de quoi écrire et s'était installé sur un vieux fauteuil me désignant une table artificielle faite de piles de livres et de planches. Une lueur d'innocence.. Une lueur d'innocence dans mes yeux.. Ahaha... Putain.

J'avais fini de copier. La nuit commençait à tomber mais il faisait encore assez jour pour sortir en toute sécurité. Le vieux n'avait pas bougé de son fauteuil tout pourri et Jack était roulé en boule à mes pieds, dormant silencieusement. Je m'étais donc levée en tendant ma main pour récupérer mon dû qu'il me donna en souriant. J'ai réveillé Jack et je suis partie voir le fabricant. Il était encore ouvert. Tant mieux. Sinon c'est moi qui l'aurais ouvert.

« - Z'avez de l'argent mamzelle ? Comment je vous la fait vot' amulette ?
- Est-ce possible que vous me l'implantiez au niveau de la poitrine ?
- Comme un piercing ?
- En gros, mais que je sois sûre que je ne peux pas le retirer facilement. Voir pas du tout
- L'argent d'abord. »

Je lui ai tendu mes quelques pièces récoltées et lui présenta Jack. Le fabricant avait approché une pierre emprisonnée dans un magnifique contour argenté de volutes, la pierre pris une jolie couleur bordeaux et s'illumina. L'homme a approché une étrange machine de ma poitrine et une douleur aiguë m'a traversée de part en part avant de totalement disparaître. J'ai regardé la pierre et ai souri. Je suis partie avec Jack qui me suivait de loin et ai rejoins le vieux. Il dormait exactement au même droit que plus tôt.
J'ai soupiré et je me suis dirigée vers le semblant de cuisine pour lui préparer un truc. Il s'était levé et me jaugeait une fois de plus.

« - Reste chez moi. Je te paierai pour ton travail et je t'apprendrai tout ce que je sais concernant ce monde. Je protégerai ta lueur d'innocence.
- De toute façon j'ai nul part où aller.. J'accepte.
- Je me nomme Askel.
- Moi c'est Raven mais appelle-moi Mémé et lui Jack. Enchantée le vieux ! »

Les années sont passées et je vivais toujours chez Askel. C'était comme mon père. Il m'avait tout appris, tout ce qu'il savait. De ce qui concerne la poésie à l'anatomie en passant par la cartographie. Il m'a même expliqué qu'on avait un Dieu Kel'Chin. Je lui dois tout. C'était pas le même genre que les loubards qu'on croise à Heka, c'était un gars bien. Il avait jamais tué personne, il avait toujours vécu dans le silence et la lecture. Il avait bossé pour le roi pendant longtemps et avait donc pu vivre tranquillement jusqu'à la fin de sa vie. Enfin c'est ce que je me tuais à croire.

La fin de sa vie qui se fit dans une macabre ambiance.

Je le savais qu'Askel avait des dettes, il m'en avait parlé à plusieurs reprises, mais à chaque fois il tentait de me rassurer, qu'il était bien plus fort qu'il en avait l'air et que ce n'étaient que des dettes mineurs. Foutaises. Si elles avaient été mineures je ne l'aurais pas vu se faire planter. Je ne l'aurais pas vu s'effondrer au sol dans une position bien minable. Je n'aurais pas eu à achever ce gros loubard avec mon couteau sous la lueur de mon amulette. Des dettes mineures hein ? C'est vrai que ça n'était qu'un simple vol de bouquins rarissimes. Tuer quelqu'un pour une raison aussi pathétique.. Je n'ai jamais réussis à pardonner à ce balourd. 

L'humanité est donc si médiocre ? Je m'étais posée la question sur la sépulture de mon défunt père. Je le vengerai. Je vengerai chaque personne qui a du souffrir à cause d'un être assoiffé de sang et de pouvoir. Les gens biens existent sur Heka. Mais en attendant, j'allai devoir déblayer le terrain. Croire en l'humanité hein ? Saletés.

Désormais, il n'y avait plus aucune lueur d'innocence ou de bonté dans mon regard, seulement de la haine et un désire d'achever. J'étais devenue comme tous ces crétins. J'étais devenue un démon. Plus aucune pitié ne serait faite ici-bas.

« - Faites de la place en Enfer, je vais ramener du monde. »