Curieux, le général ne l'était pas souvent. Il fallait dire que très peu de choses étaient en mesure de pouvoir le surprendre, voir au mieux de l'étonner. Il n'était pas le plus vieux conseiller pour rien. Et pourtant, parfois, il ne pouvait s'empêcher quelques remarques sur de nouvelles têtes. Nouvelle tête face à lui qui semblait pleine de volonté et de projet d'avenir. Ah, quelque part, il regrettait cette période de sa vie. Alistair était tellement moins blasé pendant ses jeunes années. Il possédait une force de caractère - qui ne l'a pas quitté à vrai dire - à toute épreuve, mais aussi une soif de hiérarchie. À présent qu'ajourd'hui il se trouve dans les hautes sphères, voir la haute sphère, il n'a plus rien à demander et ordonne plus qu'il n'exécute.

C'est pourquoi, en observant ce visage si jeune et décidé, Alistair ne put s'empêcher de vouloir le... mettre en garde ? Non, pas vraiment, il souhaitait simplement lui montrer tous les dangers à être chevalier. Mais il ne l'exprimait pas par de simples mots. Son regard suffisait amplement. Le général avait d'ailleurs toute l'expérience des chevaliers derrière lui, et si son visage restait le même qu'à ses trente ans, il gardait sur ses traits et son regard la vieillesse et l'usure du temps. Sa voix calme et relativement monocorde s'accordait en fait parfaitement à cette nonchalance l'entourant. Alors, justement, il lui avait demandé aussi calmement que possible le nom de son interlocuteur.

- Ichigo Elric.

Alistair hocha la tête. Il irait faire un tour dans les dossiers d'inscription à l'école en rentrant pour regarder un peu ce dont le gaillard était capable. Ça lui occuperai une partie de l'après-midi, une sorte de petite pause bien méritée avant de reprendre le travail. Toujours le travail. Mais le général ne s'en plaignait pas, c'était la vie qu'il s'était volontairement choisi. Non sans regarder une nouvelle fois le visage du jeune homme perdu afin de bien le mémoriser, Alistair décida alors qu'il était temps de le ramener vers l'école des chevaliers. Alors, en se retournant il invita l'homme à le suivre.

Rapidement, il fut rattrapé par l'intéressé et ils marchèrent donc côte à côte. Si la faim ne tenaillait pas le vieil homme, il aurait probablement voulu tester les capacités du dénommé Ichigo. D'ailleurs, lui-même ne lui avait pas annoncé son nom. Malpoli ? Non, pas vraiment. Mais à moins de venir d'une contrée éloignée, on n'ignorait pas le nom d'un des conseillers. Et Alistair pouvait être certain que l'attitude du bonhomme changerait du tout au tout s'il connaissait sa véritable identité. Alors non, il jouait un peu avec lui. C'était la seule manière pour lui de ne pas être irrité alors qu'on l'a dévié de sa mission première, à savoir manger. D'ailleurs, son hibou, s'il ne parle pas, ne manque en tout cas pas de faire remarquer sa faim à coup de serres acérées dans la pauvre épaule du général.

- En quoi consiste cet entretien exactement ?

Le général tourna sa tête vers l'intéressé. Doucement mais sûrement, un sourire moqueur vint se placer sur ses lèvres. Vraiment léger, et en vérité pas si vilain que ça. C'était plutôt une sorte de compassion. Les futures recrues stressées, il en avait vu des centaines. Surtout lorsqu'il s'agissait de lui parler à lui. Ça n'arrivait pas souvent, mais parfois, pour certains cas, sa présence était nécessaire afin d'étudier quelques dossiers confidentiels. Chez les chevaliers, tout n'était pas aussi rose qu'on le prétendait. Certains étaient des prisonniers repentis. Quelques dossiers judiciaires assez lourds qu'on a jugé bon de mettre au service de Lohendra en cas d'attaque. En cas d'attaque... Dena était une île trop calme pour être réelle, et ça avait parfois tendance a inquiéter le général.

Alors, lentement mais sûrement il en revint au sujet principal. L'entretien. Eh bien, la partie orale en elle-même n'était vraiment qu'une des nombreuses étapes. Elle était le point déclencheur d'une longue série d'invitation. C'était une sorte de test d'entrée assez sévère, et pourtant minime par rapport à ce qui allait suivre. L'entretien donnait souvent l'air d'une simple présentation de sa vie. Au premier abord tout du moins. On entrait ensuite rapidement dans les détails. On vérifiait les connaissances de l'individu, sa capacité d'analyse, ses réactions et tant d'autres choses. Mais lui raconter tout ça était une mauvaise idée, car elle mettait en péril l'utilité même de cet oral. Alors, le général se rapporta à d'autres valeurs plus sûres.

-Ce ne sont que des simples formalités. Mais si cela te fait peur, c'est que tu n'es certainement pas prêt. Si tu es accepté après l'oral, il te faudra encore passer un écrit de plusieurs heures, un test physique et sportif, ta faculté en tant que Kwanita. Ce n'est qu'à l'aboutissement de tout cela que je déciderai si tu es apte ou non à devenir un chevalier.

Se concentrant sur sa route, le général tâcha de garder une attitude neutre alors même qu'il venait de prononcer d'affreuses révélations sur sa personne. Enfin, Ichigo était libre de penser qu'il était simplement quelqu'un de gradé, sans se figurer un seul instant de l'importance de ce grade. Après tout, n'importe quel capitaine ou lieutenant était en mesure de valider l'accès de chevalier à un Kwanita. Tout du moins était-ce ce qui se disait dans la rue, sans réelle vérité.

Alistair poursuivit alors sa route jusqu'à rencontrer une porte massive. Voilà, à partir d'ici, on pénétrait dans l'école des chevaliers et quittait Lohendra. Alistair ouvrit alors la porte et se retrouva à l'extérieur. Et oui, il fallait quitter Lohendra et faire quelques mètres pour rentrer dans l'école. Alors, tout en parcourant les allées verdoyantes du parc de Lohendra - ouverte la journée au public sauf à cet endroit - le général se dirigea vers un gros portail noir qui laissait bien filtrer plusieurs gros bâtiments à l'arrière. En poussant ce portail, ils pénétrèrent donc dans l'enceinte de l'école. Il fallut encore faire de nombreux mètres avant d'atteindre l'entrée du bâtiment principal, d'un style très victorien.

Une nouvelle fois, Alistair poussa les lourdes portes en chêne et le soleil à l'extérieur vint illuminer les baies vitrées de l'entrée principale de l'école. L'endroit était vraiment féérique. Une belle fontaine régnait en plein milieu de la pièce, très haute de plafond, entourée d'une baie vitrée et de quelques rosiers grimpants. Un gros chandelier trônait juste au-dessus de la fontaine surélevée et le sol était principalement constitué de planches de chêne sombre sur lequel était déposé de longues bandes de tapis bleu. Les escaliers de chaque côté de la salle se rejoignait en hauteur et étaient finement gravés et remplis par une pierre bleutée. Alistair n'y avait pas mis les pieds depuis un certain temps et en fut presque émerveillé. Il n'y avait pas grand monde, et pour cause : les cours devaient probablement avoir déjà commencé. Laisser le jeune homme ici était une mauvaise idée, il était capable de s'y perdre même avec toute la bonne volonté du monde. Alors, en se tournant vers Ichigo, il demanda :

-Ton entretien est en quelle salle ?

Il y avait tellement de pièces différentes ici. Entre celles de sports, très conséquentes, celles en extérieur, les salles de cours moins grandes et toutes les autres, c'était approximativement près de 350 salles pour 7 ou 8 bâtiments de plusieurs étages. Autant dire que le jeune homme pouvait marcher bien longtemps sans trouver ce qu'il souhaitait et qu'il lui était vraiment déconseillé de demander son chemin sous peine de se perdre encore plus. Quoiqu'il en soit, son repas pouvait bien attendre encore un peu.