Aaaah, Whalis. Des quatre grandes villes de Heka, c'était sans doute la favorite de Mérida. Selon elle Salinca était trop vieux jeu, La'an trop étroite et Khal.... Eh bien c'était la capitale, quoi. Elle était immense et le centre-ville était un trésor d'architecture, mais la ségrégation était trop présente et le bordel régnait en permanence. Whalis quant à elle était une grande ville mais ses habitants étaient plus calmes que ceux de Khal. De plus, elle avait l'avantage d'être immergée. Vous me demanderez : mais en quoi est-ce positif d'être enfouie sous plusieurs milliers de litres d'eau ? C'est vrai quoi, il suffirait qu'un seul souci survienne du côté de la salle de contrôle et c'était la mort quai-assurée. Seulement notre caractérielle rouquine n'était pas vraiment du genre parano, s'imaginer des poisses pareilles n'était pas son genre. L'un de ses motto était qu'il faut profiter au maximum de la vie, or c'est impossible si on se met à craindre le moindre pet de travers qui pourrait survenir à notre prochain pas. Alors elle vivait tout simplement au jour le jour, en avançant gaiement. Cela l'immunisait contre la peur de finir noyée qu'on pouvait ressentir à Whalis et, par là même, lui permettait d'apprécier cette cité sous-marine pour sa beauté et son avancement. Ce n'était pas un endroit où il fallait marcher en regardant ses pieds : toute la magnificence de l'océan s'offrait à nous, si on levait le nez. Les larges ombres qui passaient parfois n'étaient pas des nuages, mais des baleines, des orques ou des requins géants.

Les voir nager tranquillement au-dessus de nous était impressionnant. Mais c'était un spectacle qu'on ne pouvait voir si on avait peur de cette ville ou qu'on ne s'y adaptait pas. Après, peut-être bien que la demoiselle était aidée par son affinité pour l'eau : elle adorait se baigner, nager, être en immersion. Et par exemple, elle adorait nager avec les dauphins. Du coup, se balader sous l'eau était loin d'être un calvaire pour elle. C'était peut-être pour ça qu'elle se baladait toujours avec un simple soutien-gorge en haut.
M'enfin, nous ne sommes pas là pour parler de ses goûts, ni même du génie de ceux qui avaient construits Whalis ou de ceux qui assuraient aujourd'hui sa sécurité tout en lui apportant des améliorations – même si se sont des sujets très intéressants hein. Parlons plutôt de la raison de sa présence dans cette ville ! Bien que vous allez sans doute trouver ce sujet moins intéressant. Mérida n'avait pas fait le déplacement pour sauver le monde de la dévastation, poursuivre un immonde criminel ni parce qu'elle était en mission spéciale. Quoi que, dans un certain sens elle était bien dans ce dernier cas : si elle était là, c'était parce que sa sœur lui avait demandé un service. Réfia avait passé commande dans une boutique particulière de la ville, mais sa santé n'étant pas au top en ce moment on lui avait déconseillé de se déplacer. Et comme apparemment c'était quelque chose d'assez important, elle avait demandé à sa grande sœur qui avait toute sa confiance d'aller le récupérer. L'idée de s'éloigner de sa cadette alors que celle-ci n'était pas en forme n'avait pas enchanté l'aînée des Faithlin, mais elle pouvait difficilement lui refuser quoi que ce soit.

Par contre si elle apprenait que c'était une petite surprise pour l'autre vipère d'Ilian, elle allait tirer la tronche – ça, Réfia devait s'en douter.
Bref, ce n'était pas pour elle-même qu'elle était venue. Ou du moins Mérida n'avait à la base pas prévu d'en profiter pour faire des folies, sans se douter les imprévus allaient s'enchaîner. Pour commencer, elle qui était censée rester moins d'une journée sur place – juste le temps de récupérer cette fameuse commande – dût prendre une chambre à l'hôtel : la boutique était exceptionnellement fermée le jour où l'épéiste s'y était rendue pour la première fois. Qui dit soirée passée quelque part dit beuverie dans un bar proche, sauf qu'une bagarre avait éclatée et que résultat on l'avait fait sortir de l'établissement. Le lendemain elle avait retenté sa chance, cette fois-ci pour apprendre qu'ils avaient un léger retard donc que la commande ne serait pas disponible avant vingt-quatre heures. Encore une journée à passer sur place, donc. Ils avaient pensé au fait qu'elle n'avait pas vraiment prévu de rester aussi longtemps ? Du coup en plus de la chambre, la jeune femme avait dû acheter quelques provisions et changes. Vive les dépenses imprévues, ok sa dernière mission avait bien payé mais ce n'était pas plaisant de voir son salaire partir dans des trucs pareils – parce qu'elle comptait le dépenser en alcool bien sûr. D'ailleurs du coup elle avait testé un autre bar du coin et avait tant et si bien bu que son pouvoir avait failli s'activer.

Mais normalement, Mérida pourrait bientôt retourner à Khal avec ce qu'attendait sa sœur. Tout ce qu'il fallait c'était aller le chercher et, justement, elle était en route pour la boutique. Il était environ treize heures, normalement ils devraient avoir la commande. Son sac qu'elle tenait à la main passé par-dessus sont épaule, elle avançait le pas tranquille et les lèvres légèrement étirées, tandis qu'elle avançait en portant le minimum syndical d'attention aux gens autour – juste assez pour ne pas leur foncer dedans.
Malheureusement, certaines personnes aimaient chercher des noises aux passants innocents. Celui qui la bouscula volontairement en faisait partie, même s'il l'arrêta en lui demandant de s'excuser comme si c'était de la faute de la bretteuse. Il dit aussi que le précieux vase qu'il portait était tombée et s'était cassé à cause d'elle donc qu'elle devrait le rembourser. Oh pitié, ces pseudo-arnaques étaient vieilles comme un vin périmé ! Et puis si ce vase était aussi rare et précieux qu'il le laissait entendre, pourquoi ne le transportait-il pas au moins dans une boîte ? Sans parler du fait qu'un simple coup d’œil suffisait à voir que c'était le genre d'objet bon marché qu'on trouvait à bas prix dans toutes les petites boutiques. Donc non, elle ne comptait pas donner un seul centime à cet escroc de bas étage. Et la mercenaire le lui dit clairement avec un air qui montrait qu'elle n'aimait pas qu'on la prenne pour une idiote.

Sauf que les arnaqueurs qui n'en étaient pas vraiment n'aimaient pas qu'on réagisse comme ça. Alors le bonhomme commença bien évidemment à s'exciter en lui demandant si elle le prenait pour un... Bah un arnaqueur hein. Ce à quoi Mérida répondit « je ne te prend pas pour un arnaqueur, je dis que tu en es un. Et j'ajouterai que je dois avoir raison pour que tu sois autant sur la défensive », avant de se détourner en ajoutant qu'elle « avait plus important à faire que de perdre du temps avec lui » et en se mettant en marche. Là évidemment, le monsieur le prit très mal. Il l'arrêta donc en lui saisissant fermement le poignet, la forçant à se retourner, puis lui demanda des excuses sur un ton énervé.
Oh hé, il lui arrivait quoi à lui ? Légèrement agacée la jeune femme lui demanda de la lâcher, mais puisqu'il demandait à avoir ses excuses avant et qu'elle n'était pas disposée à lui en fournir elle se libéra elle-même en faisant un large mouvement du bras.
Ce fut une grosse erreur de calcul de sa part. Notre garde du corps s'en rendit compte quand sa main heurta quelque chose. Surprise elle fit brusquement volte-face pour voir l'homme à qui elle avait involontairement mis un coup.

« Oh, c'était pas voulu, pardon ! »
Mérida s'en voulait quand même assez, cela se sentait dans sa voix quelque peu paniquée. Elle tourna ensuite la tête vers l'arnaqueur pour lui lancer avec colère « Regardes ce que j'ai fait à cause de toi, crétin ! » avant de reporter à nouveau toute son attention sur le jeune homme qui venait de se prendre son poing. « Vous n'avez rien au moins ? » demanda-t-elle avec une pointe d'inquiétude dans la voix. Par réflexe, elle s'approcha de lui et se mit à l'observer pour être sûre qu'il n'avait rien de grave.

On pouvait citer pas mal de défauts à Mérida, notamment son exhibitionnisme et son penchant pour la bagarre, mais elle n'était certainement pas du genre à blesser volontairement et sans raison une personne qui ne lui avait rien fait. Bon après elle pouvait facilement trouver une raison de cogner, par exemple lorsqu'on la bousculait sans s'excuser. Parfois elle le faisait pour des raisons financières, mais c'était le genre de monde qu'était Heka après tout. Ici, c'était au plus fort ou au plus offrant. Les gens étaient tellement corrompus qu'elle se considérait comme parfaitement sympathique et saine d'esprit à côté. Ah, et bien élevée aussi, parce que si elle ne démontrait pas forcément de bonnes manières au moins elle connaissait les formules de politesse telles que bonjour, désolée et merci. La plupart de ses concitoyens se contentaient de tirer une face de trois mètres de long en guise de salut et avaient pour sale manie de se servir sans préavis si quelque chose leur faisait envie, même si la chose en question appartenait à un autre.
Alors oui, en gentille fille que notre rouquine était – presque –, elle s'en était un peu voulu de frapper cet homme. C'était un manque d'attention de sa part, et une maladresse qui aurait pu causer des dégâts. Et que fait-on quand on est coupable ? Eh bien on s'excuse, tout bêtement, mais certains semblaient ignorer cela (non non, elle ne visait pas du tout l'arnaqueur en particulier). C'était pourtant le b.a.-ba, à croire qu'ils étaient trop c*ns pour retenir un truc aussi simple.

Et en plus, il s'avéra que le visage sur lequel son poing avait fini était particulièrement son genre. Elle se serait sentie encore plus mal si elle l'avait abîmée. Oui parce que voyez-vous, amocher un moche, bah ça ne change pas grand chose. Parfois, cela les arrangeait même. Mais un beau mec, c'est comme une bonne bière : à ne pas gaspiller. Ça faisait partie des choses à ne pas toucher devant Mérida, sous peine de se faire botter l'arrière-train parce qu'elle trouvait ça trop rare pour être ruiné.
Bref, tout en s'assurant qu'il n'avait rien, elle avait allègrement profité de son angle de vue pour se rincer l’œil. Le moins qu'on puisse dire, c'était qu'il faisait dans l'original niveau couleur : ses yeux étaient orangés et sa chevelure d'un violet rosé. D'ailleurs, comment il faisait pour porter aussi bien les cheveux longs ? En prime, ils semblaient mieux entretenus que sa propre tignasse rousse. Et ses cils, il voulait rendre toutes les femmes jalouses avec ou quoi ? Et puis ça faisait vraiment un moment que la Faithlin n'avait pas vu un hekien avec un faciès aussi harmonieux et bien dessiné. Récemment tous les jolis garçons qu'elle avait croisés venaient de Dena, mais celui-là suffisait pour rattraper tous les autres. Mhhh, peut-être que par chance, il n'avait rien à faire de sa journée ? Parce qu'elle passerait bien un peu de temps en si charmante compagnie. Se promener à côté d'un homme pareil était toujours intéressant, non seulement parce que ça permettait de se rincer l'œil mais aussi parce que cela attisait la jalousie de toutes les filles.

Enfin ils n'en étaient pas là, pas du tout. De plus, vu comment le bel inconnu dévia le regard après avoir posé les yeux sur elle, sans doute qu'il n'était pas très à l'aise avec les filles – ou du moins, les filles dans son genre. Ou bien il était gai (en général les mâles ne se gênaient pas pour la mater), mais ce serait trop triste alors Mérida avait évincé cette théorie.
Le fait qu'il préfère adresser la parole à l'arnaqueur ne fit que la conforter dans l'idée qu'il avait quelques soucis avec la gente féminine. Sans oublier ce détail qui ne lui avait pas échappé : il n'avait ouvert la bouche qu'après avoir regardé un peu partout, comme s'il cherchait un sujet de discussion pour se changer les idées. Petit oisillon, va. Mais au moins il était assez sympa pour prendre sa défense, il s'en sortait même plutôt bien... Au début. Il suffit que l'autre ne clame haut et fort que son but était de la mettre dans son lit, pour que le jeune homme aux longs cheveux ne devienne rouge pivoine et se la ferme. Quoi, sérieux ? C'était tout ? Non mais c'était très respectable de vouloir aider, franchement c'est toujours cool de voir des gens avec de bonnes intentions sur Heka, mais quitte à faire autant être utile mec ! Portes tes deux cacahuètes fièrement, au lieu de rougir ! Rah, la déceptiooon. En plus, avec un physique aussi ravageur, comment pouvait-il manquer d'expérience avec les femmes ? C'était un crime !
M'enfin, du coup, la bretteuse n'avait plus qu'à reprendre l'initiative. Elle explosa de rire et pointa un index vers l'arnaqueur du dimanche.

« Je crois que t'as pas tout suivi, toi ! S'il voulait vraiment me mettre dans son lit, il aurait été plus charmeur. Par exemple, il m'aurait sorti un sourire ravageur en m'assurant que ce n'était rien quand je me suis excusée. Enfin pour commencer il m'aurait regardé dans les yeux, alors que là... Il a simplement cherché à s'occuper l'esprit, sans même m'adresser la parole. » Elle secoua alors la tête négativement, avec un sourire amusé. « Nan, je sais pas comment c'est possible, mais il doit encore être puceau. Quand à toi, t'as cru bon de l'embarrasser pour le faire taire, parce qu'il était un peu trop bien parti pour te remettre à ta place. »

Le fait qu'on lise dans son jeu sembla embarrasser le casse-cou au vase, qui du coup se la ferma. Mérida s'approcha alors de lui, les mains dans ses poches arrières. Et même si elle le regarda de bas, on pouvait clairement sentir qu'en fait elle le prenait pour un moins que rien. « La prochaine fois, évites de vouloir faire passer les autres pour ce qu'ils ne sont pas. Tu es sans doute un pervers capable de venir en aide à une femme juste pour se la faire, mais justement, ça devrait t'inciter à te la fermer avant d'accuser les autres mecs de faire pareil. Parce que dans les cas comme celui-ci où tu es en tort, tu passes encore plus pour un pauvre type qui sait pas quoi inventer, crétin. » Elle le regarda dans les yeux encore un instant, puis se détourna.

Bon, les gardes n'étaient plus loin. Que pourrait bien répondre la sulfureuse jeune femme quand ils demanderaient ce qu'il se passe ? Bon, l'avantage était qu'elle pouvait sans doute compter sur Mister Heka pour être son complice. Première étape, s'éloigner du gugus pour se placer derrière le bel homme. Ensuite, prendre une expression un peu paniquée. Et enfin, dès que le premier garde se pointe (parce que souvent c'était le pus haut gradé donc celui à se mettre dans la poche), se jeter sur lui en lui enlaçant le bras, de manière à bien le lui placer entre les deux seins, tout en le regardant avec un air de chien battu. Les gardiens de l'ordre réagissaient tous de la même manière à ce genre de comportement : ils étaient confus, mais se sentaient pousser des ailes parce qu'une belle demoiselle cherchait leur protection.
Et pour être sûre que son plan ne louperait pas, elle alla jusqu'à dire à l'attention du garde « Oh, je suis si contente que vous soyez là ! ». Ensuite, elle pointa le doigt vers l'arnaqueur. « C'est lui ! Tout est de sa faute ! Il a cherché à m'arnaquer, puis à me faire du mal ! »
Et toc, voilà comment manipuler un homme dans les règles de l'art.