Le soleil était haut dans le ciel, la température bien plus chaude à ce que Liljana avait l'habitude. Ces rayons dardant sans répit le sable à leurs pieds faisaient chatoyer le sol de teintes blanches et jaunes. C'est ainsi que la jeune fille, accompagnée de son oncle arrivèrent aux portes de Carda. Son oncle, lui déposa sa main sur son épaule et les conduisit à travers la porte de la cité du désert. Une fois cette dernière franchie, il donna les instructions à la jeune fille pour qu'elle puisse trouver l'auberge à laquelle ils avaient prévu de se rendre et lui donna aussi l'argent pour payer la chambre et un repas. Puis il lui sourit et parti à son rendez vous avec un de ses amis.

Le vent soufflait fort dans les ruelles de la ville. Liljana n'étant pas habitué à ce climat, regardait avec étonnement les petits tourbillons de sables qui avaient tendance à se former dans les coins et les angles des rues. Elle trouvait tout cela passionnant. Elle avait certes déjà lu des bouquins sur ce genre de climat, mais c'était la première fois qu'elle le voyait. Car malgré qu'elle ai une bonne visualisation dans l'espace et de l'imagination à revendre, c'était une chose de savoir que de tels phénomènes existent, et une toute autre de pouvoir les voir et les vivre. Suite à coup de vent un peu plus brusque que les autres, elle du remettre la capuche de sa cape sur sa tête. C'est que l'astre solaire n'épargnait en rien les gens, et elle avait lu, tout comme son oncle lui avait dit, qu'il fallait mieux protéger sa tête et sa peau, raison pour laquelle la jeune fille s'emmitouflait dans sa cape bleue. Elle continuait de suivre les routes que son oncle lui avait indiqué et fini par tomber sur l'auberge. Liljana régla le compte pour les deux chambres et les repas à venir au patron débonnaire qui tenait l'établissement.

Elle monta ensuite vite dans la chambre et se débarbouilla dans une bassine d'eau. Alors que le précieux liquide s'écoulait doucement le long de son visage, elle se regarda dans le miroir. Elle se dit que son teint clair allait sûrement la cibler comme étranger de passage, tandis que ses yeux mauve-bleu étaient assez sensible à la lumière trop forte. Elle soupira, ce n'était vraiment pas le climat idéal pour elle pensa-t-elle. Une fois nettoyée et ses habits libérés de la poussière et du sable accumulé tout au long du voyage, elle se rechangea. Sa robe mise et ses bottines chaussées, elle vérifia son ceinturon ainsi que la sacoche qui y pendait. Elle l'ouvrit, effleura une gemme qu'elle contenait et vu ravie de voir diverses couleurs éclairer l'intérieur à tour de rôle. Tous son attirail avait l'air de toujours bien fonctionner ! Elle referma le petit sac en cuir puis sorti et descendit dans la rue, en prenant toujours bien soin de bien envelopper dans le tissu de sa cape.

C'est ainsi protégée des bourrasques de vent qu'elle se mit à arpenter les rues, s'arrêtant ci et là devant les boutiques. Une attira son attention, ils y vendaient plusieurs gemme et bijoux de toutes sortes. Il y avait bien sur les classiques mais une sorte qu'elle n'avait pas encore vu attirait son attention . Il s’agissait d'une rose des sables. Liljana voyait déjà le potentiel de cette gemme et les amélioration qu'elle apporterait dans certaines de ses inventions. Elle en acheta donc tout un stock qu'elle fourra dans un sac qu'elle déporta sur son épaule avant de continuer sa route.

Après un bon temps à fureter dans la ville, s'émerveillant devant chaque nouvelle chose, elle faillit rentrer dans une personne. Faisant un arrêt d'urgence qui manqua de se finir en atterrissage forcé sur les fesses ou sur la personne, elle observa la personne. Il y avait quelque chose de singulier en lui, son accoutrement, sa personnalité semblait dégager quelque chose d'étrange. Hors ce qui dit étrange dit intriguant c'est donc en se plantant devant lui, ses yeux violets perçant entre les voiles bleus de sa cape, grand ouvert qu'elle lui demanda en toute franchise :

« Qui êtes vous ? Pourquoi vous êtes différent ? Qu'est ce qui vous rend aussi spécial et atypique ? »

La raison qui avait poussé notre homme à se lever ce matin semblait bien loin de son train train habituel. Ses supérieurs lui avaient intimé l'ordre de partir pour cette autre île afin d'étudier d'un point de vue totalement subjectif la façon de vivre des habitants de Dena. Et même si, de toute évidence, il avait en premier lieu refusé cette offre, il ne put jouer les idiots bien longtemps et fut forcé d'obéir aux ordres des hautes sphères. Ce fut donc ronchon qu'il passa avec l'air le plus naturel possible la porte qui menait aux deux mondes. S'il avait le droit de se rendre là-bas ? Si les grands messieurs de son monde le lui avait demandé, il se doutait que ces étrangers seraient mis au courant. Et de toute évidence ce fut le cas. Son apparition déclencha un flot intempestif d'hommes en mouvement au même uniforme de mauvais goût. Tout en tâchant de rester un maximum poli, il dû cacher ce nerf d'exaspération qui naissait progressivement sur sa tempe gauche. On lui demanda ses papiers, son titre de séjour, son nom etc etc. Au moment où il eut envie de faire demi-tour tant cette mascarade durait, l'un de ces bonshommes en uniforme s'approcha de lui et lui fit part des coutumes étranges auxquelles se pliaient les habitants de ce monde. Mais ce qui choquait le plus le métisse, c'était l'interdiction totale de se balader avec son totem en ville. Qui avait donc inventé cette règle absolument stupide ? Les villes étaient bien plus dangereuses que le reste. C'était à ces endroits-là qu'il fallait, au contraire, être le plus observateur. Néanmoins, Jhalis accepta de s'y plier – ou tout du moins promis sans vraiment promettre – et obtint son droit de séjour de deux jours. Quoi ? DEUX JOURS ? Il allait en plus devoir se trouver une chambre alors qu'il ne connaissait rien de cet endroit et qu'il en devenait par-là même plutôt effrayant ? Mais qu'avaient donc en tête ses supérieurs ? Leur cerveau n'atteignait-il donc que la taille d'un pois chiche complètement asséché ? Ce ne fut qu'à bonne distance de la porte qu'il laissa échapper sa colère, au point de marcher sur la queue de son totem qui le lui rendit bien évidemment puissance mille.

Bref, ce ne fut qu'en début d'après-midi – il était partit très tôt de chez lui – que le métisse trouva bientôt que l'herbe se raréfiait. Et en vérité, lorsqu'il fixait avec plus d'intérêt l'horizon, il constatait qu'il n'y avait plus de végétations. Les biomes ici changeaient drôlement vite. En l'espace de quelques nombreuses heures, il était passé de la montagne à la plaine en passant par la forêt. Et voici qu'à présent un désert dont il ignorait la longueur s'affichait devant ses yeux. Enfin qu'importe, il devait rapidement trouver une ville, sinon son investigation n'aurait servi à rien du tout. Et évidemment ces satanés bonshommes à la porte ne lui avaient pas fournis de carte ou quoique ce soit pour se repérer. Préférant relâcher sa rage sur une pauvre pierre qui n'avait rien demandé, il l'envoya balader quelques mètres plus loin. La végétation présente avant le désert changeait totalement de ce qu'il avait pu voir à Heka. Les terres semblaient moins hostiles, et à vrai dire, il n'avait rencontré aucun monstre depuis sa folle marche à pied. Rien. Il n'y avait que des oiseaux et quelques mammifères qui l'observaient dans l'ombre sans oser faire un pas. Même son totem ne s'était jamais autant empiffré de mulots et minuscules animaux en tout genre. D'ailleurs, son maître ne s'était pas gêné pour le lui faire remarquer « Tu vas finir gras et laid si tu restes ici, espèce de sale saucisson écaillé ». Ce à quoi ce long python se contenta de lui lancer un regard noir, si l'on pouvait dire. L'animal comme le maître ne donnaient vraiment pas l'impression d'être du coin.

En suivant la route sur de longs kilomètres, le prêtre fut forcé de tourner la tête lorsqu'il entendit un klaxon de moto retentir derrière lui. Se dégageant à peine de la voie principale, il garda ses sens aux aguets, prêt à devoir fondre et se battre si la situation dégénérait. Néanmoins, ce ne fut pas le cas. L'homme qui possédait sa moto lui proposa de monter à bord de celle-ci s'il se dirigeait vers Carda. Jhalis n'avait aucune idée de ce que cela voulait dire, et opta pour le nom d'une ville. Il acquiesça tranquillement et monta à l'arrière du véhicule, son python entourant son cou. Sa première impression ? Les habitants d'ici étaient totalement tarés. Cet homme était vraiment étrange à lui proposer de faire le chemin ensemble. Jhalis ne lui avait fichtrement rien demandé, et s'il avait accepté, c'était pour la simple et bonne raison qu'il ignorait tout de cet endroit. En temps normal, s'il lui avait adressé la parole, il se serait contenté de l'ignorer magistralement. Mais qu'importe, bientôt les premières lueurs de la ville apparurent si l'on peut dire. L'homme fit descendre Jhalis de sa moto, et ce dernier, à contre-cœur, remercia cet inconnu, qui lui offrit un grand sourire. De vrais tarés.

Dans un premier temps, le prêtre observa les fondations de la ville. Bien protégés par de hautes murailles, elles empêchaient le sable d'empiéter sur la ville. Jusque là, aucune différence notable avec Salinca, si l'on excluait bien sûr le fait que Salinca avait été construit sur une colline alors que cette ville, Carda, semblait tout à fait plane. Soucieux d'y trouver quelques merveilles à l'intérieur, Jhalis s'engouffra à l'intérieur. Mais rapidement, deux bras le stoppèrent, lui demandant de laisser son animal à l'entrée. Ah, cette fameuse réglementation totalement absurde. Le métisse se tourna alors vers son totem. Comme si une réglementation pareille pouvait l'affecter. Ce python n'avait jamais au grand jamais quitté son maître, et ça n'allait certainement pas être pour aujourd'hui. Il trouverait forcément une faille et pénétrerait au sein de la ville d'une autre manière. Cependant, Jhalis acquiesça aux dires de ces prétendus chevaliers et entra. Ce qu'il vit alors le surprit encore davantage qu'il ne l'avait cru. Vraiment. Vraiment ? Il s'échappait d'ici une aura accueillante. Il y avait du monde, certainement quelques voleurs à la tire, mais rien de comparable avec ne serait-ce qu'une ville de Heka. Il y avait des commerces offrant de magnifiques bijoux. D'autres de soigneuses draperies. Jhalis ne s'était muni d'aucune monnaie, se doutant fortement qu'elle ne devait pas être la même ici. Néanmoins, il commença à le regretter. L'architecture de cette ville était étonnante, et le prêtre s'étonnait de chaque endroit. Partagé entre admiration et dégoût, il ne savait pas où se placer. Plongé dans ses rêveries, il se prit de plein fouet une personne. Ne prenant pas la peine de s'excuser, il la jaugea de bas en haut. Et la première chose qu'il remarqua ne lui plut absolument pas. Une femme.

Et malheureusement, les premières questions qui fusèrent ne furent pas celles auxquelles il s'attendait. Elle l'inonda littéralement de questions, comme on pourrait mentalement se les poser en observant des hommes au cirque. Ces gens étaient véritablement et indubitablement des tarés. Se reculant brusquement afin de marquer un espace considérable entre leurs deux personnes, Jhalis se cacha aussitôt le visage avec son bras, unique défense qu'il possédait pour le moment, et articula difficilement :

-La... laisse-moi étrangère. Fous-moi la paix.  

Et sur ces mots, il recula brusquement tout en faisant demi-tour, disparaissant le plus vite possible de la vue de cette jeune femme. Ah, il voulait rentrer tout de suite. Pourquoi l'avait-on mis dans pareille situation ? Ses supérieurs le savaient pourtant qu'il détestait les femmes ! Alors pourquoi l'avoir attelé à une mission pareille ? Il risquait de tout faire capoter.

«  La... laisse-moi étrangère. Fous-moi la paix.   »

Liljana regarda le drôle de personnage qui semblait mal à l'aise qui n'avait pas l'air de savoir où se mettre. Puis le voila qui essayait de se cacher d'une manière qui faisait qu'on le remarquait encore plus. Et d'un coup le voila qui s'enfuyait à toute jambe... La jeune fille attendit donc, en vérifiant dans sa bourse de gemme, que l'inconnu aussi étrange se rende compte qu'il s'était enfuit dans un cul de sac de la ville aux hauts bâtiments rodés par les vents. Liljana décida quand même de le suivre en marchant, se demandant bien qu'est-ce qui pouvait pousser une personne à s'enfuir comme ça, sans demander son reste. Pourtant, il ne lui semblait pas qu'elle avait été impolie, ni même insultante. Elle se remémora sa phrase, essayant de se souvenir si atypique était un gros mots ou bien une insulte, mais ne trouva aucun correspondant dans la gigantesque base de donnée qu'était son cerveau. Elle jeta un coup d’œil à sa sacoche, en délogea une gemme qui brillait, irisée d'une couleur bleu mauve. Elle enchâssa la gemme ensuite dans une espèce de boussole et suivit l'aiguille. Si ses calculs étaient exacts, et ils devaient l'être, elle avait eu le temps de refaire vingt fois les équations dans sa tête pendant qu'elle l'attendait, son type de pouvoir était de ce genre là et la gemme  devait avoir mémorisée sa trace magique. Elle le revit enfin vers la fin de la rue. Elle se dirigea vers lui et vient se planter devant lui encore une fois, l'observant avec ses grands yeux violets.

«  Est-ce que j'ai dit quelque chose de mal ? Faut pas avoir peur comme ça, et puis vous vous faites vraiment remarquer vous savez ! Ça se voit à vingt lieux que vous n'êtes pas d'ici. Et puis c'est pas poli de ne pas répondre aux questions d'une demoiselle, mon oncle le dit toujours ! Et puis vous savez, l'aura magique que vous dégagez est tellement singulière que ma gemme vous a enregistré sans que je ne doive faire la manipulation, regardez vous même ! C'est la première fois que je vois ce genre de réaction !   »

Dit-elle tout en tendant sa boussole devant elle, la faisant se déplacer latéralement, l'aiguille semblait irrésistiblement attirée par l'inconnu. Puis elle referma l'appareil et s'approcha encore plus de la personne. Le détaillant de la tête aux pieds, hochant parfois la tête, elle finit par sortir un petit carnet. Elle se mit à y gribouiller des notes tout en jetant un coup d’œil à l'inconnu fuyant.  

«  Alors vous êtes qui, vous faites quoi là ? Pourquoi vous vous êtes enfuis ainsi ? Pourquoi vous avez ignoré mes autres questions ? Et d'où vient votre drôle d'aura ?  »

Elle sortit tout en parlant une gourde et y bu une grande rasade d'eau. Le liquide frais qui coulait le long de sa gorge était un véritable délice. Elle reboucha ensuite cette dernière avant de sortir une genre de montre, mais composée d'une dizaine cristaux qui faisaient un panel de couleur de vert à rouge et une aiguille qui indiquait plus ou moins la moitié. Elle se dit qu'elle chargeait bien son énergie aujourd'hui, malgré la température excessive. Puis elle regarda l'inconnu et lui demanda :

«  Vous avez soif ? Vous voulez un peu d'eau aussi ?  »

Franchement, tout cela allait à l'encontre de ses habitudes. Le prêtre se dirigea à toute allure le plus loin possible de cette femme un peu trop curieuse à son goût. Il s'y dirigeait pour sûr, mais vers où ? Là résidait tout le mystère de la question. Il passa à coté de nombreuses petits commerces, tous plus charmants les uns que les autres. Mais curieusement, il ne s'y consacra guère davantage, toujours dans l'option de voir apparaître cette femme aux cheveux bleus dans son champ de vision. Néanmoins, rapidement, il se trouva face à un mur. Pas du tout essoufflé pour un sou, il soupira franchement et posa sa main sur ce mur. Certes, il pouvait avoir l'air d'un sombre idiot de la sorte, mais il remarqua alors que les murs n'étaient pas bâtis de la même sorte qu'à Salinca. La découpe n'était déjà pas la même. Elle semblait plus fine ici, c'était à se demander comment cela pouvait tenir debout. La couleur de ce matériau était également plus clair. Ça l'intriguait, alors il décida de rester un peu plus longtemps, penché sur la pierre. Il ne l'avait jamais vu. Mais quel était donc cela ? Inspirant brutalement, il manqua de s'étouffer en écoutant les paroles de cette jeune fille. Ne se lassait-elle donc jamais ? Pourquoi le poursuivait-elle ? Ça l'amusait ? Il ne pouvait pas en être autrement, bien évidemment. Et le pire c'est qu'elle insistait. Qu'elle poursuivait encore et encore ses phrases. Ah, qu'on le libère de cette dégénérée ! Restant face au mur, il redouta le moment où il devrait se retourner et faire face à sa chevelure violette. En plus, en écoutant ce qu'elle racontait, on voyait – ou tout du moins le prêtre pensait-il – qu'elle se fichait éperdument de lui. Singulier ? Lui, un singulier personnage ? Non mais pour qui se prenait-elle à parler en long monologue sans aucun ton particulier ? Ah cette fille l'embêtait, elle l'effrayait même. Néanmoins il décida de lui faire face et fronça les sourcils, tout en tâchant de ne pas trop transpirer.

Mais la demoiselle s'approcha tout à coup beaucoup plus près de lui, le forçant à ne plus respirer. Allons bon, il fallait rester fort. Rester fort. Ces mots se répétaient dans sa tête, tournant ainsi en boucle. Il inspira profondément, calma ses ardeurs et osa enfin

-Singulier ?... Vous êtes vraiment d'effrayants personnages, tous autant que vous êtes.

Ah, Jhalis voulait rentrer. Il avait l'impression que sa tête n'allait pas tarder à exploser. La chaleur ? Non certainement pas. Ces habitants, ça oui. Il ne supportait pas ces personnages. Il ne fallait pas vivre une seconde de plus ici. Il rentrerai, se ferait probablement enguirlander par ses supérieurs, mais au moins ce serait toujours moins que cet enfer. Il observa néanmoins la jeune fille s'amuser avec son appareil, l'air de lui montrer que ce n'était vraiment pas normal d'être aussi repérable. Et à l'évidence, Jhalis ne put que constater ses dires. La boussole l'indiquait frénétiquement, au point que l'aiguille pourrait foncer droit sur lui s'il n'était entouré d'une grosse coque en verre. Puis, cette femme sortit un carnet et poursuivit son interrogatoire. Attends, elle faisait partit de la police ou quoi ? Étaient-ils tous aussi maladivement curieux que celle-là ? Il n'espérait pas, auquel cas il disparaîtrait aussitôt de la surface de Dena sans demander son reste. Effrayant.

Malgré tout, il garda toute son attention sur cette femme et ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt. S'il engageait la conversation, elle n'allait pas le lâcher. Ici, il n'avait aucun pouvoir, personne pour venir l'aider, il ne pouvait pas non plus déclencher un scandale. En clair, il était perdu. Alors, il soupira tout en reculant, marquant une nouvelle fois un espace non considérable.

-T'es... beaucoup trop curieuse à mon goût. Pourquoi tu me lâches pas ?

Après tout, même s'il ne s'était pas excusé, il restait extrêmement distant, donc à moins de vouloir le déstabiliser, Jhalis ne voyait pas ce qui la poussait à faire tout ça. D'ailleurs, il ne se gêna pas pour lui en faire part lorsqu'elle lui demanda s'il voulait de l'eau. Il rejeta de la main toute proposition et se colla un peu plus au mur.

-Tu trouves ça... amusant de me faire peur comme ça ? T'es vraiment bizarre, peu importe d'où je te regarde je te trouve vraiment étrange. Vous êtes tous comme ça ici ?

Jhalis ne craignait pas de se dévoiler comme venant de Heka. Après tout, il n'était pas hors la loi, il possédait son titre de séjour, et puis tout allait bien. Il n'y avait rien à redire. Et puis, il sentit que le contact avec son totem revenait. Il avait enfin trouvé une faille, non mais il était vraiment lent celui-là. Aussitôt, une ombre se propagea sur le sol, serpentant à droite à gauche sur plusieurs mètres. Pour l'instant personne ne le voyait, mais Jhalis s'empressa de se diriger vers lui pour saisir sa tête et lui permettre de s'enrouler autour de son maître. Tout en restant dans l'ombre d'un commerce, il fusilla cette femme qui continuait à le fixer et aboya :

-Quoi, tu veux toujours pas me foutre la paix ?

Décidément, les éloges n'étaient pas dans son vocabulaire pour le moment. Il pouvait bien entendu utiliser son pouvoir de persuasion, mais cette fille l'intriguait outre mesure.

Il semblait vraiment mal à l'aise. La jeune érudite se posait bien des questions sur ce personnage. Avait-il quelque chose à se reprocher à craindre tant les question ? Quel personne curieuse ! Elle avait l'air de vouloir se fondre dans le mur tellement elle s'y collait. C'était la première fois qu'une personne avait ce genre de comportement devant elle. Trop curieuse ? Quelle idée farfelue, on était jamais trop curieux, c'est bien la seule chose qu'elle avait réussi a soutirer comme information à son oncle ! Et puis... abandonné un sujet d'étude prometteur ? Quel idée absurde ! D'ailleurs elle ne pouvait pas le tolérer, il fallait absolument qu'elle clarifie une telle absurdité !

«  Abandonner un phénomène aussi intriguant et mystérieux que celui que provoque votre présence et votre aura ? C'est vraiment une honte, que dis-je, une hérésie ! D'avoir une telle pensée ! »

Voila que la jeune érudite était à moitié en grogne, gonflant les joues. Il la traitait de curieuse et de bizarre, alors que la bizarrerie ici n'était d'autre que lui ! Lui et son aura magique dérangeante. Elle était trop brute, trop puissante pour un citadin ordinaire. Et voila qu'il généralisait ! Encore une autre chose que la jeune fille ne pouvait tolérer. La généralisation était l’ennemi de tout chercheur qui se respecte ! Généraliser, c'était rassembler plusieurs choses sous la même étiquette sans prendre le temps de tout analyser !

C'était la première fois que Liljana ressentait ce sentiment de bouillonnement interne. Sans savoir pourquoi, elle sentait ses joues se chauffer. Alors qu'elle s'apprêtait à insister sur le fait que l'étrange bonhomme ici était lui, son interlocuteur se saisit d'un serpent qu'il laissa grimper sur lui. Un flash rouge dans la boussole intrigua la jeune érudite. Le cristal pulsait de rouge, tourna une fois sur lui-même. Ensuite il pointa vers le serpent, avant de refaire un tour et de reprendre sa luisance naturelle, pointant toujours vers l'inconnu. Alors qu'elle se faisait engueuler par le drôle de monsieur, un grand sourire se dessina sur ses lèvres, tandis qu'elle se rapprocha encore plus de lui.

«  Vous voulez vraiment que je vous foute la paix, monsieur l'abomination ? Je devrais peut-être le faire oui. Et aller m'adresser au premier chevalier que je croise... Car après tout, monsieur le perturbateur, que penseraient les gardes en apprenant qu'une personne singulière avec un pouvoir psychique très puissant se ballade en ville, son totem enroulé autour de lui ? Il me semble que c'est un crime de la plus haute classe. Surtout que j'ai tout enregistrer non seulement par écris, mais également grâce à un cristal holographique ! En plus vous ne voulez même pas répondre à des questions toutes simples ! Mais je suppose que si je vous fais  si peur, c'est la meilleure chose qu'il me reste à faire non ? »

Sortit-elle d'un bloc tout en rangeant son carnet, la boussole et le reste. Elle en profita pour brancher  une gemme sur le circuit de sa ceinture, après tout, n'était-on jamais trop prudent ? Ce n'était pas une gemme miracle, juste une qui pouvait drainer une part de tout flux magique qui passait. Bien évidemment elle avait des limites, mais elle pouvait lui sauver la mise. Du moins c'est ce que la jeune fille se dit, avant de feindre de s'éloigner vers le poste de garde très lentement, s'attendant à ce que l'inconnu l'arrête avant...

Effrayé par une telle curiosité, Jhalis ne savait où se placer. Les habitants de ce monde avaient-ils tous cette maladive expression de vouloir tout savoir ou bien était-ce simplement un fort trait de caractère de la part de cette personne ? Ayant tendance à tout généraliser, le prêtre eut la rapide envie de faire demi-tour et de quitter ce pays de fou furieux. Il promettait de ne jamais au grand jamais revenir ici. Les Deniens pouvaient dormir sur leurs deux oreilles de ce côté-là. En écoutant la jeune demoiselle lui dire que c'était une hérésie de stopper ses recherches en de si bons termes, le métisse eut un vague haut le cœur. Les hérétiques, c'était eux, non pas lui. Comment pouvait-elle parler d'hérésie à tout va, l'esprit et le cœur léger ? S'éloignant encore un peu plus, il haussa pourtant un sourcil. Il est vrai que cette femme commençait à l'intriguer même s'il refusait tout contact avec elle. Doucement mais sûrement, il sentit le contact de son totem non loin de là. Ah, il allait pouvoir se débarrasser de cette fille en vitesse. Soupirant, il ignora de nouveau cette femme et partit se mettre à l'ombre des individus pour se saisir de l'immense reptile et s'en entourer du mieux qu'il pouvait malgré le fort poids de ce dernier. Il inspira profondément tandis qu'il sentait de nouveau le regard de la curieuse sur lui. Elle pointait toujours son objet sur lui, à tel point qu'il commençait à trouver cela fortement déplaisant et ô combien malpoli.

Bien vite pourtant, la demoiselle se lança dans un fort long monologue. Le traitant dans un premier temps d'abomination, tirant un regard mauvais du côté du métisse, elle ne tarda pas à lui signaler que si elle lui lâchait les basket maintenant ce serait pour le dénoncer à ce qui, visiblement, devaient être l'autorité de ce pays. Il avait entendu de la part des hommes s'étant déjà rendus ici que le gouvernement n'était pas si violent que ça et qu'à l'inverse d'Heka, c'était même une politique pacifique qui s'opérait. Pas de torture, pas de condamnation à mort, pas de bataille publique. Le monde devait être bien triste. Alors, quand elle lui annonça tout déballer à la police du coin, le prêtre eut un rire dédaigneux. Allons bon, qu'allaient-ils lui faire, lui qui ne venait pas même d'ici ? Rapporter les faits au roi de Heka ? Très honnêtement, Jhalis doutait fortement de ça, et certainement encore plus du fait que le roi s'occupe de ce type d'affaire. Alors bon. Néanmoins, il pensait à présent à autre chose. S'il était retenu ici, il risquait de perdre des jours de congés à son boulot, et par-là même de s'offrir un séjour au pays des enfers. Et ça, c'était bien pire que de devoir faire son rapport au roi en personne.

Convaincu, le prêtre laissa retomber le reste de l'énorme reptile qui traînait, le reposant ainsi totalement à terre. Ce dernier, assez agacé par les sautes d'humeur de son maître, ne manqua pas de lui faire remarquer ce geste en le mordant à la cuisse avant de disparaître entre les allées aussi vite qu'il était venu. Bien sûr, il n'était pas loin, et Jhalis n'avait pas non plus l'intention de s'écarter de lui. Après tout, son pouvoir pourrait lui servir si les choses tournaient mal. Sans oser regarder la demoiselle du regard, il parla assez fort pour attirer son attention sans avoir à la toucher.

« C'est bon, ça suffit, il est parti. Et arrête de tendre ce machin vers moi, c'est terriblement impoli. »

Oui, il était mal placé pour parler de politesse, mais qu'importe, il avait la mémoire courte. Concernant ce machin, il s'agissait en vérité de son espèce de boussole étrange qu'elle n'arrêtait pas d'agiter devant lui pour une raison qui lui échappait. En tout cas, au cours de sa longue tentative d'échappatoire, il avait au moins compris quelque chose : s'il offrait à cette personne ce qu'elle désirait, elle lui foutrait la paix et n'alerterait pas les autorités. Et ça, c'était une chose à savoir. Croisant les bras, il ne regarda toujours pas la demoiselle et se contenta d'annoncer, l'air de rien :

« Je m'appelle Jhalis. »

Tant qu'elle gardait une certaine distance avec lui, il était résolu à répondre à ses questions et il espérait qu'elle l'avait compris lorsqu'il avait annoncé son nom. La moindre des choses étant bien sûr de décliner son identité avant d'entreprendre quoique ce soit. C'était la première fois qu'il s'essayait à la discussion passive purement inutile avec une femme. Et croyez-le bien, il ne le faisait pas par bonté d'âme.