Au premier abord, on a tendance à se dire qu’Anselm est plutôt pathétique, pour un habitant d’Heka. Malgré tous les efforts de son père, il n’a jamais été attiré par les combats, le sang qui coule entre les doigts, l’adrénaline quand tu empales un monstre …
On pourrait alors aisément le mettre dans la catégorie des froussards. En effet, il donne toujours l’impression d’être un lapin apeuré ; son physique est le même que celui d’un enfant ; dès qu’il ouvre la bouche, les mots s’emmêlent sous la pression ; la première chose qu’il fait devant une menace, c’est prendre la fuite … Or, il n’en ait rien du tout. Certes, plus petit, il avait l’habitude de trembler et de hurler à l’approche de sa figure paternelle, mais lui-même avait une certaine prestance qui ne pouvait que générer ce genre de comportement. Anselm a fini par grandir, aussi, bien que cela ne se voit pas si on ne se fit qu’à sa couverture.

Le fils Skye est un bègue léger. Sa déficience langagière s’est manifestée très tôt et ne s’est jamais vraiment calmée avec le temps. Du coup, même si au fond de lui le garçon est très calme, on prendra ses bégaiements pour une preuve de sa nervosité. Les enfants, comme les adultes, étant cruels, il apprit à ouvrir le moins possible sa bouche, se faisant même passer pour muet à l’occasion. C’est aussi pourquoi il choisit des métiers où il n’a pas besoin de parler, ou en tout cas le moins possible.
Anselm est aussi toujours en éveil. Dans un milieu comme Heka, c’est manger ou être mangé. Seulement, n’étant attiré par aucune des deux propositions, il agit de sorte à éviter toute forme de conflit. On pourrait alors le dire paranoïaque mais, encore une fois, à Heka, un sentiment d’insécurité n’est jamais vraiment sans fondement. Vigilance est mère de sureté. Ainsi, il peut aisément prendre la fuite et continuer de vivre sa petite vie. Et mine de rien, fuir ce n’est pas pour n’importe qui ! Il lui a fallu des années d’entraînements, de larmes et de coups pour que le garçon atteigne un tel niveau, bien que toujours perfectible. Ses mouvements sont organisés et loin d’être animés par la peur. Son éducation lui a offert l’expérience nécessaire pour faire face lucidement à de nombreuses sortes de situations.
En bref, Anselm est un homme qui n’aspire qu’à une vie la plus tranquille possible.

Au niveau de ses goûts, le garçon est facilement ennuyé dans les rôles passifs. C’est un manuel qui se fiche de la théorie.
Ayant du mal à faire confiance aux autres (vigilance, vigilance) et ne parlant pas tellement, il lui est difficile de créer des liens avec les autres et n’ira au grand jamais faire le premier pas, à moins que ça lui soit nécessaire. Au premier abord, Anselm est poli et ne rejette pas l’interaction, à moins que celle-ci représente un danger à ses yeux.
Pour finir, il voue un profond respect en la personne de son père, Ronan Skye, bien que les deux hommes n’aient pas grand-chose en commun ; leur nom de famille mis à part. C’est lui qui l’a élevé, entraîné, tout appris … C’est pourquoi il essaye de représenter le moins possible un fardeau à ses yeux.

Carrure d’adolescent, on ne peut pas vraiment dire qu’Anselm transpire la virilité. Son mètre soixante-cinq donne plus envie de lui rire au nez que de le respecter, au grand dam de son père. Sa manière de se tenir lui donne l’air d’être tout mou, facilement emportable par le moindre courant d’air. En soit, la parfaite victime pour n’importe quel personnage en complexe d’infériorité. Cependant, il ne faut pas non plus s’y fier. Anselm, par son entraînement et ses nombreuses fuites, est un garçon robuste et agile. Il n’a pas les muscles nécessaires pour tanner la tête de ses opposants, mais il compense avec une endurance non négligeable.

Bien qu’il approche de la trentaine, ses traits sont restés juvéniles, ronds. On peut aisément le traiter de « mignon ». Sa peau de pêche, dont il prend bien le temps de s’occuper et d’enduire d’huile essentielle (lui donnant une odeur fraîche et fleurie), est vraiment douce. Les gens s’amusent encore aujourd’hui à lui pincer ses bonnes joues bien rebondies.
Ses yeux prennent la couleur du miel et ses cheveux lui arrivant au bas de la nuque celle du ciel. Avec cette comparaison, on a tendance à assimiler ses mèches blanches aux nuages.
Niveau vestimentaire, se voulant discret, Anselm porte souvent des habits simples, les moins chers du marché. Il n’a pas tellement envie de dépenser dans ce « genre de futilité » (les huiles essentielles ne sont pas des futilités, non non.). De plus, il lui arrive parfois de perdre ses vêtements dans quelques-unes de ses fuites, après l’utilisation de son pouvoir … Du coup …

« Ani, chéri, où te caches-tu … »

Il n’y avait pas dix millions de cachettes possibles dans leur appartement. Tremblant comme une feuille, Anselm (cinq ans), s’empêchait de respirer en espérant que, pour une fois, son père ne le …

« JE TE TI- ! »

Un éclair bleu et blanc surgit du panier de linge sale, hurlant après que les grosses mains de Ronan Skye aient tenté de l’attraper. C’était toujours pareil, la même rengaine après le travail.

« Anselm, t’es un homme ou pas !? Un homme ça mord ! Comme ça ! »

Voulant imiter le requin, l’adulte fit claquer sa mâchoire tout en poursuivant son fils … Seulement, comme d’habitude, impossible d’attraper cette petite peste qui se refugiait dans les endroits les plus improbables. C’était à qui se lasserait le premier. Et c’était toujours le plus vieux. Ayant fini de jouer, il alla se rafraîchir avec une bonne bière avant de lâcher son corps tout entier dans le canapé. C’est à ce moment que le garnement pouvait sortir de sa cachette. Positionné confortablement, ce grand gaillard qui lui servait de père était aussi doux qu’un agneau. Tellement doux qu’Anselm pouvait se permettre de s’approcher, de monter sur lui et de poser sa petite tête sur son ventre. Ça, malheureusement, c’était dur. Mais tellement chaud.

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Ronan faisait partie de l’armée, de l’Akhtai. C’était un soldat comme un autre qui tentait de faire régner une certaine paix dans sa ville, Salinca. Enfin, que ce soit clair, il n’avait aucun espoir de justice ou quoi … tout ce qu’il voulait c’était battre du pas beau et montrer à quel point il était fort et viril alors qu’il ruisselait de sueur. Ronan a toujours été une sorte de loup solitaire, ne se liant que pour un soir à quelques femelles attirées par ses muscles saillants. Il a cependant toujours nourri le rêve d’une descendance. Un garçon à qui il apprendrait tout, qui combattrait à ses côtés dans des effluves de testostérone faisant chavirer les dames. Oui, c’était ce qu’il voulait.

Un jour, l’une de ses conquêtes le lui apporta, ce fils. Malheureusement, ce fut Anselm.
Il l’aimait, bien entendu. Il voulait l’aimer. Il lui avait offert son premier sabre à un an, lui avait fait traverser quelques torrents en radeau, l’avait aussi emmené lors de ses patrouilles à l’extérieur pour se faire quelques bestiasses, lui avait présenté tous les animaux imaginables au cas où l’un d’eux serait son totem ... Ronan avait offert tout ce qu’il pouvait.

On ne pouvait cependant pas changer le fait qu’Anselm était un froussard. Une petite boule de tendresse, chouinante et câline. Une vraie gonzesse. Le géniteur tentait de gommer cela, de se dire que pour le moment c’était ainsi, mais que plus tard ce serait mieux … … n’est-ce pas ?

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Lorsqu’il fut en âge, Ronan n’attendit pas pour placer son fils à l’école. Il avait conscience que l’éduction qu’on lui donnerait là-bas ne serait sans doute jamais aussi bonne que la sienne, mais son travail ne lui permettait pas d’être aussi présent qu’il le voudrait … L’école se chargerait donc des bases, et lui prendrait le relais dans son temps libre pour qu’Anselm devienne un guerrier de renom.

Etait-ce cependant une si bonne idée ? Son professeur ne lui accordait jamais la parole, à moins d’être d’humeur masochiste à attendre que le garçon finisse de former sa phrase à base bégaiements. Il ne faisait pas non plus des démonstrations de force, ne portait pas des vêtements originaux, ses notes restaient dans la moyenne … Bref, les plus intrépides des garçons ne tardèrent pas à le prendre pour cible ! Le plus marrant pour eux, c’était sa tendance à fuir tout le temps. Aucun d’eux n’avait un jour réussi à le frapper ou à le tenir assez longtemps … Voilà donc leur défi quotidien. Une partie de « chasse » comme ils disaient.
A force, plus personne ne s’étonna de voir cet éclair bleu se faufiler dans la foule, poursuivie par une bande de gamins hurlant et imitant les trompettes de foire. Comme dirait son père, ces courses lui servirent à devenir bien plus endurant, bien qu’il aurait préféré que tout ça se règle à coup de marteau en pleine face. « ÉDENTE-LES ! ÉDENTE-LES ! » qu’il hurlait en gesticulant quand Anselm lui racontait sa journée. Mis à part cela, il était vrai que ça ne lui apporta que du bon. Son totem entre autres.

Comme à l’accoutumé, le garçonnet fuyait ses assaillants. Cependant, un malheureux incident fit croiser sur son chemin un chargement de produits alimentaires qui le fit dériver malencontreusement et heurter de larges pots d’huile. Inévitablement, la vaisselle se cassa ; mais alors qu’Anselm se faisait asperger du liquide visqueux, quelque chose sembla exploser en lui. De nombreux jurons volèrent en éclat, à l’instar des pots. Cependant, comme mangé par de l’acide, du fauteur de troubles il ne restait que les vêtements imprégnés d’huile.
Le plus heureux dans l’affaire fut bien entendu Ronan. Enfin, son fils avait trouvé son totem ! Il fut tout d’abord triste que celui ne soit que de l’huile stupide, et pas un bon gros sanglier enragé, un ours mangeur d’homme ou un rhinocéros atteint de la rage … Passée la déception, il ne tarda pas à mettre un place un programme d’entraînement spécifique à la nouvelle capacité de son fils.

« Oh, oui, voilà ! Je vois le truc. Tu vas apprendre à te transformer partiellement. Et ce sera trop cool, tu pourras transformer ton bras en fouet et tu claqueras ces idiots qui se moqueront de toi VLAM ! BAM ! Ils iront pleurer chez leurs mamans, fuhahahahaha ! »

Bien entendu, il apprit mais ne le fit jamais.

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A 26 ans, Anselm est indépendant et actif dans le monde du travail. "Contre toute attente", il ne suivit pas les traces de Ronan en tant que soldat, mais enchaîna petits boulots sur petits boulots.  Aujourd’hui il exerce la profession de masseur, mais parfois de cuisinier si besoin.
Il possède son propre appartement, mais ne manque pas de rendre visite à son père régulièrement. Ainsi, il ne fut (malgré tout) pas un boulet aux yeux de celui-ci, étant donné qu’il ramenait tout de même de l’argent. Ronan est loin d’être fâché et nourrit encore l’espoir que la virilité de son fils sera bien exposée au grand jour tôt ou tard …