Qui est donc Elliane ? Si vous avez du mal à la cerner, c'est normal. Elle-même ne sait parfois pas qui elle est. Ange ou démon ? Venant d'une habitante de Heka on serait tentés de dire démon et, au final, ce n'est pas faux. Elle est une langue de vipère capable de vous citer vos pires défauts, ce qui vous fait le plus honte, que ce soit dans le but de vous blesser ou pas – au moins on ne peut pas lui reprocher un manque de franchise. Et quand la jeune femme cherche clairement à vous atteindre c'est parce qu'il mieux vaut blesser plutôt que d'être blessé. Et non, elle ne supporte pas d'être blessée. C'est d'ailleurs pour cela que notre agente paraît toujours hautaine, impassible et cassante : hors de question de paraître faible ou émotive, de laisser quiconque l'approcher ou de s'attacher facilement. Leur donner une emprise sur sa personne serait leur donner les armes pour la détruire. À qui se réfère le « leur » ? A tout le monde. Inconnus, collègues et même ceux qui sont le plus proche d'être ses amis – sans l'être parce qu'elle a du mal à croire en l'amitié -, selon notre auburn n'importe qui est susceptible de lui faire du mal et/ou de la trahir. Elle se méfie de tout le monde, on peut la qualifier de paranoïaque. En outre, elle supporte difficilement le contact physique et déteste qu'on la prenne dans les bras, cela lui fait peur donc si jamais vous lui attrapez le poignet ou la câlinez subitement, ne vous étonnez pas si vous vous prenez un coup derrière.

Elliane est donc très froide, on a parfois l'impression qu'elle ne ressent rien. D'ailleurs face à des gens qu'elle n'apprécie pas ou étrangement qui lui font peur, elle peut se montrer sadique – mieux vaut pour ces personnes ne pas la croiser dans une ruelle sombre en pleine nuit, ça pourrait mal tourner si la demoiselle décidait de se libérer de son stress. Tuer non plus ne la dérange pas, aussi horrible que cet acte puisse paraître au regard de l'opinion publique il peut devenir une habitude. On peut aussi lui citer un côté manipulatrice, quand elle doit jouer la comédie pour accomplir une mission. Dès lors elle démontre un certain talent d'actrice et, selon le rôle qu'elle doit jouer, notre Winterheart sait mettre à profit son éducation de qualité et l'apparence que cela lui confère. C'est aussi une grande jalouse possessive qui n'apprécie pas que quiconque obtienne ce qu'elle désire – encore plus quand ils en font étalage -, ça tient presque de l'égoïsme fini. De plus elle a son petit caractère, étant assez butée et capable de se mettre à bouder très rapidement même si elle ne le montrera pas forcément. Rancunière, la membre d'Akhtai n'accorde pas sa confiance facilement mais est capable de la reprendre rapidement.  Elle a aussi un côté pessimiste qui voit le verre à moitié vide, le mauvais côté des choses, les chances de défaite.

Vous l'aurez compris, devenir son ami n'est pas une promenade de santé. Dans cette obsession d'éviter toute blessure, Elliane s'est bâtie une solide carapace qui, au final, empêche les autres de l'approcher. C'est dommage, quand tout ce qu'on demande est d'être capable de se lier aux autres. Elle cherche sa place : des personnes à qui accorder sa confiance, à qui s'ouvrir, et pense un peu naïvement que le destin guidera ses pas vers eux. Si elle n'est pas un peu fleure bleue ? Oui, mais cela fait partie des choses que l'espionne cache sous son apparence. Vous aviez d'elle l'image d'une solitaire ? Ce n'est que la preuve de ses talents d'actrice, au fond c'est une fille normale. En vous rapprochant d'elle, vous découvrirez une gentille jeune femme qui a pour hobby – ou plutôt comme réflexe – de ramasser les animaux errants. Seulement elle est bien placée pour savoir que le monde n'est pas tendre, donc s'adapte en se donnant une image forte et n'hésite pas à se salir les mains. Elle, sans cœur ? Il est juste bien caché et appartient à une demoiselle qui manque de confiance en elle et aime ce qui est mignon (mais pas trop non plus) mais pense que ça ne lui va pas. Notre sujet d'étude n'a pas encore d'amis à proprement parler mais elle serait probablement bien plus douce avec eux, même si elle aurait besoin qu'on lui dise à haute voix qu'on la considère comme une amie et qu'on la rassure de temps en temps sans rien cacher, nature craintive oblige. Par ailleurs notre auburn est assez maladroite en relation et, quand elle pense avoir causé du tort à un ami, elle s'en veut terriblement - tellement qu'elle n'ose plus parler ni faire quoi que ce soit. Elle s'en veut aussi quand elle n'arrive pas à faire quelque chose correctement, cela lui donne l'impression de trahir la personne qui lui a confié la chose. On pourrait la comparer à un enfant, avec cette personnalité, peut-être en est-elle encore un au fond.

Au niveau de ses goûts, Elliane aime ce qui est mignon, l'acide et le sucré – ne vous fiez pas à sa finesse, elle est capable de manger plus que sa part de gâteaux et autres pâtisseries. Elle aime aussi la musique ainsi que le chant et a d'ailleurs un vrai don pour cela, se balader, les endroits qui comme les parcs qui sont pleins d'une activité tranquille, regarder le paysage et cetera. En revanche la rouquine déteste les insectes rampants et tout particulièrement les araignées, qu'un inconnu l'aborde, qu'on essaye d'avoir un contact physique avec elle et qu'on lui mente. C'est sa plus grande hantise, si elle pense que vous lui mentez la demoiselle ne sera pas tendre avec vous – surtout si vous dites être son ami -, le pire étant qu'elle doute facilement.
Au niveau relationnel, on peut dire qu'elle n'a pas laissé grand monde lui donner l'occasion de s'approcher, mais citons au moins un nom : Siegfried. Celui qui l'a recueillie et lui a donné un emploi, lui a appris à se battre et cherche à la protéger, quelqu'un à qui elle fait confiance. Il veille sur elle comme un père et c'est ainsi que la jeune bretteuse le considère, d'ailleurs Sieg aurait très bien pu être son géniteur puisqu'il a eu une relation avec sa mère – mais c'est une longue histoire qu'il serait le mieux à même de vous raconter en détails. En outre, elle est très attachée à Canon, son totem en forme de renard argenté.  

Pour conclure, Elliane n'est pas facile à vivre. Hautaine et cassante, si elle veut vous dire quelque chose elle ne se privera pas et ne fera pas forcément d'effort pour être un tant soit peu aimable. Mais ne pensez pas tout de suite que cela part d'une mauvaise intention car,  si vous apprenez à la connaître, vous vous rendrez compte que la jeune femme est ainsi, d'ailleurs elle n'hésite pas à s'en servir face à une personne qu'elle ne porte pas dans son cœur ou un inconnu. Ceci est dû à une grande méfiance. Si elle est du genre à psychoter ? Oh, vous n'en savez encore rien. Cette crainte de la blessure et de la trahison la pousse à jouer le rôle de la femme inaccessible et détachée de tout. Mais son jeu d'actrice est tellement bon qu'elle parvient à se duper elle-même, la faisant douter parfois : ne serait-elle pas vraiment cette personne froide ? Une question et des doutes qui pèsent de plus en plus lourd sur sa frêle personne, sans doute qu'un jour notre Winterheart se brisera sous leur poids, en attendant sa méfiance l'empêche de se comporter autrement. Pourtant tout ce qu'elle souhaite est une vie meilleure, ce n'est pas un crime mais n'est pas facile à accomplir et elle s'en sent très loin. Elle est une jeune rêveuse dont les espérances n'ont jamais connu de happy end jusqu'ici. Quelque part elle met ça sur le compte de la société et des Hommes ce qui la rend en partie sociopathe, mais l'agente secrète ne peut s'empêcher de se trouver faible et pleine de défauts -ce qui ne fait qu'alimenter sa suspicion : qui aimerait donc avoir quoi que ce soit à voir avec elle ? Si Elliane déteste beaucoup de choses, elle en vient parfois à se haïr plus que tout.

Si vous avez déjà eu l'occasion de croiser Elliane dans la rue, il y a des chances pour que vous la reconnaissiez en voyant une photo d'elle. Non pas qu'elle se démarque facilement du reste de la foule de par un style vestimentaire plus ou moins recherché mais qui serait voyant dans tous les cas, non, en fait à ce niveau-la notre auburn est assez sobre et élégante. Le plus souvent sa tenue se compose  d'une robe ou un chemisier assorti à une jupe, le tout pouvant être de couleur rouge. violet ou noir, mais toujours dans des tons sombres. Elle n'est pas su genre à porter des vêtements flashys, d'où ce choix... Enfin soyons plus précis en disant qu'elle ne pense pas que tout ce qui est clair et/ou mignon lui aille. Même niveau bijoux elle reste dans la simplicité, avec quelques bagues et bracelets en argent pour aller avec la croix dans ce même matériau qui ne quitte jamais son cou - ce collier est un souvenir de sa mère. C'est dommage, quand on aime bien ce style plein de volants et de couleurs pâles. Surtout que la jeune femme a un physique qui lui permettrait beaucoup de choses si elle voulait bien s'en rendre compte : mesurant un mètre soixante-huit pour cinquante-quatre kilos, elle a une silhouette fine et bien proportionnée qu'accentue sa posture fière. Celle-ci est la pour donner un signe extérieur de force, histoire que personne n'ait l'impression en la voyant d'avoir affaire à une fille douce et facile à aborder – notre Akhtai n'est d'ailleurs pas sans défense, grâce à son pouvoir mais aussi grâce aux nombreux arts martiaux auxquels Siegfried l'a initiée.

Dans le registre de ses signes extérieurs de force - et de froideur -, nous pouvons citer son visage. Petit et joli mais fermé au monde, il est doté de grands yeux bruns aux reflets rougeoyants, une couleur qui ressort clairement sur le teint pâle de sa peau lisse. Encadrés de longs cils qui attirent un peu plus l'attention sur cette paire vive, quand ils expriment quelque chose il s'agit en général de dédain. Bien souvent quand ses iris se posent sur nous, ils nous donnent l'impression qu'elle ne nous regarde pas tellement son regard est détaché, c'est à se demander ce qui peut bien passer sous son crâne – une chose bien difficile à deviner, elle n'en laisse rien transparaître. En parlant de son crâne, il est recouvert par une jolie chevelure à l'auburn tirant sur le roux, une couleur facilement reconnaissable. Coupée en un carré incurvé en direction de sa nuque gracile à ses extrémités, sa tignasse soyeuse se compose aussi d'une frange sagement coincée derrière son oreille gauche. Si Elliane n'a pas l'apparence d'une gentille fille correcte ? C'est bien le cas, grâce à sa mère qui a tenu à lui donner une excellente éducation, donc de bonnes manières et a une apparence irréprochable. Au passage, cette éducation n'a fait que lui faciliter la tâche quand elle s'est mise à arborer un air hautain, après tout la plupart des nobles sont dignes donc adoptent un tel comportement naturellement.

Notre Winterheart ressemble à une jolie poupée de porcelaine qui fait tout pour cacher les craquelures qui la recouvrent. Son manque apparent d'émotion est frappant, même lorsqu'elle joue la comédie à la perfection dans le cadre d'une mission ses yeux restent immuables. Sa beauté ainsi que sa noblesse sont indéniables, même dans sa démarche. Et si son physique peu imposant laisse croire que la demoiselle ne sait pas se défendre c'est plutôt le contraire, en fait elle n'hésite pas à avoir recours à la force voir peut se montrer cruelle. Vous pensiez avoir à faire à un simple brin de femme ? Quel dommage que celui-ci soit aussi méfiant et prompt à relâcher son stress sur les personnes qu'elle n'apprécie pas, vous feriez mieux de vous méfier de son apparence. Cependant cette dernière est doublement trompeuse, elle laisse penser qu'Elliane ne sait pas se défendre mais aussi qu'elle est aussi froide que l'hiver et cruelle qu'un démon. Mais je vous assure que si vous parvenez à gagner sa confiance vous pourrez voir un ravissant et véritable sourire éclairer son faciès.

 On dit qu'un enfant est le fruit de l'amour que se portent deux personnes. Mais est-ce vraiment toujours le cas ?

* Non... Laissez-moi... Arrêtez ! *

Cette femme qui pleure en tentant vainement de se défendre contre un individu bien plus fort qu'elle, dont la voix se brise en mille éclats teintés de désespoir sur des murs de pierre froids qui ne propagent pas son appel à l'aide assez loin pour que quiconque y réponde, celle qu'un homme est en train de détruire à petit feu  s'appelle Freya. Elle est de la noblesse moyenne, composée de familles au nom connu dans la haute société mais beaucoup moins dans les classes populaires. Mais ces événements devaient se produire en cette nuit, la laissant incapable d'affronter sa famille mais aussi et surtout son amant. La jeune noble tenta bien de faire comme si rien ne s'était passé et n'en toucha mot à personne, mais au bout de quelques semaines cela lui devint impossible et elle choisit de s'éloigner. C'est ainsi qu'elle migra du centre-ville de Kahl vers ses quartiers plus pauvres situés en périphérie, y trouva un petit boulot et mit au monde son enfant – celui qui était probablement issu de la souillure de son corps. Mais comment s'en débarrasser ? Même si sa petite fille était le fruit d'un viol et lui prenait beaucoup de temps et d'argent, Freya ne put se résoudre à la laisser à quelqu'un d'autre ou à son propre sort. C'est ainsi qu'elle se retrouva seule avec un enfant à charge, une situation qui l'avait maintes fois conduite au bord du gouffre. Heureusement, voir sa petite sourire innocemment et s'accrocher à elle l'a sauvée plus d'une fois.

Les années passant, Elliane grandit sous la tutelle de sa mère qui tenait à lui transmettre au mieux son héritage noble. Une éducation stricte dont elle ne se plaignait pas, après tout elles vivaient seules toutes les deux donc naturellement leurs liens étaient très forts et, même si parfois Freya l'accablait de ses malheurs, l'enfant n'aurait jamais pensé contredire sa gentille génitrice qui lui donnait de beaux vêtements et lui faisait de mignonnes coiffures. Mais la jeune femme avait beaucoup de mal à s'intégrer à ce nouveau milieu, si différent de celui dans lequel elle avait grandi. Cela se faisait ressentir dans ses relations avec les autres, la plupart des gens la trouvaient trop distante.

Pourtant un jour Freya se fit une amie, qui était aussi sa confidente. Cette femme lui apprit à sortir, à profiter de la vie et aussi à boire. Cela délia la langue l'ancienne noble qui, en toute confiance, lui raconta sa petite histoire en lui faisant promettre de ne rien répéter. Quelle naïveté, la femme était déjà ivre à ce moment et ne tarda pas à cracher le morceau à l'une de ses camarades de beuverie présente. De fil en aiguille le récit fit le tour de la taverne et plusieurs personnes – principalement des femmes – vinrent la voir pour saisir cette occasion de se moquer de cette fille qui semblait se trouver trop bien pour les fréquenter et avait emménagé dans le coin il y a peu. Dans cette situation la jeune maman ne put rester là et faire comme si de rien n'était ; ce soir-là, Elliane vit sa génitrice s'effondrer à peine le seuil de leur petite maison passé. Mais ce n'était pas fini car les personnes qui avaient eu vent de son histoire la firent circuler dans tout le quartier, transformant la vie de Freya en enfer : les femmes profitaient de la situation pour la rabaisser et, très vite, des hommes l'avaient approchée avec des idées perverses en tête, ce qui ne faisait que pousser un peu plus les femmes à s'en prendre à elle. Un cycle qui la rongea lentement, pendant deux mois la jeune femme essuya coup sur coup en espérant que tout irait pour le mieux mais chaque jour, elle faiblissait un peu plus. Pendant cette période et dans l'espoir de protéger sa génitrice, la petite auburn alors âgée de huit ans se mit à descendre ceux qui s'en prenaient à l'ancienne noble en leur citant tous les défauts qu'elle pouvait voir, seulement ses efforts étaient inutiles.

Il suffit finalement d'un événement pour qu'elle ne se brise complètement, d'un homme – encore un - qui tenta d'abuser de son corps, et Freya perdit le contrôle. Elle tua son agresseur puis rentra à la maison, pour découvrir que sa fille l'attendait. Celle qui était née de son viol et qui la fixait avec des grands yeux innocents en l'appelant « maman ». Ils étaient de la même couleur que les siens, pourtant cette fois-ci ce fut le regard du pervers qui l'avait prise sans pitié que la mère vit, cela l'insupporta tellement qu'elle lui mit une gifle.  

-Comment oses-tu me regarder avec ces yeux, toi que je n'ai jamais désirée ?

Elle fixait désormais sa progéniture avec une haine profonde qui était en fait dirigée vers le père de la gamine. Cela fit trembler la petite, à la fois de peur devant ce tourbillon de fureur et de tristesse parce que sa mère venait de la renier. Quand cette dernière se rendit compte du sens de ses paroles, une expression horrifiée prit place sur son visage puis elle s'excusa faiblement avant d'aller se réfugier dans sa chambre. Elliane quand à elle tomba à genoux par terre et ne bougea pas pendant un long moment. Comment savoir combien de temps s'était écoulé quand Freya réapparut ? En tout cas, elle semblait... Différente. On l'aurait dit folle et c'était probablement le cas, puisqu'elle se procura de quoi faire du feu et se mit à incendier tout ce qui lui tombait sous la main, des sièges aux rideaux. La petite mit du temps à réaliser ce qui se passait mais tenta de l'arrêter, seulement ni ses cris ni ses pleurs n'y parvinrent et, rapidement, les flammes se propagèrent dans la pièce.

Elliane ne savait plus quoi faire. Sa mère n'écoutait rien et tout prenait feu, à ce rythme la maison ne s'en sortirait pas indemne. Pleurant encore et encore en ignorant cette douleur pulmonaire que provoquait la fumée elle se retrouva accrochée aux jupons de l'ancienne noble, qui s'accroupit alors et la regarda avec un sourire paisible – trop paisible. Quelle décision avait-elle donc prise ? La jeune fille aurait préféré ne jamais le savoir. Elle aurait dû se demander ce que voulait faire sa maman avec le couteau qu'elle avait à la main droite. Quand elle la prit dans ses bras son réflexe enfantin fut de serrer ses petits poings sur son chemisier et, quand elle lui demanda d'arrêter de pleurer, la gamine s'exécuta. Mais si sentir sa chaleur la rassura, ses paroles la rendirent curieuse.

-Ma petite fille chérie, je suis désolée pour tout... Mais désormais, tout ira bien.

Freya écarta légèrement le bras droit et pointa l'arme sur le dos de sa fille mais, après une longue hésitation, eut un sanglot. « Je ne peux pas.... »  furent ses derniers mots. La seconde d'après, la lame lui servit à s'entailler profondément le poignet. Elliane ne se rendit pas immédiatement compte que le fluide chaud qui l'éclaboussa et se mit à couler sur elle était le sang de sa mère, dont le corps fut lentement emporté par son propre poids pour clouer la petite Winterheart au sol, lui coupant le souffle au passage.

-Maman, tu m'empêches de respirer...

Dit-elle dans un effort conséquent, pour n'avoir aucune réaction. Elle resta ainsi encore quelques secondes, puis s'agita pour tenter de sortir de là en voyant que le feu se rapprochait lentement. Mais pourquoi sa génitrice ne répondait pas ? Au bout d'un moment, l'évidence la frappa. Elle comprit qu'elle était seule au monde, désormais. Devant ce fait elle se mit à pleurer de pus belle en suppliant sa maman d'ouvrir les yeux, pour lui montrer que ses déductions étaient fausses. Après tout ça ne pouvait pas être vrai, comment pouvait-elle l'accepter ?  Tandis que le cadavre refroidissait, l'enfant s'efforçait avec toute la force du désespoir de croire que ce n'était qu'un cauchemar ; mais ses forces la quittaient rapidement, pompées par ses émotions et sa respiration difficile. Allait-elle suivre Freya dans la mort ? Étrangement, l'idée la séduisait. Mais ce ne devait pas être son destin, puisqu'un homme dénommé Siegfried la sortit de là. Elle connaissait ce nom pour avoir déjà entendu parler de celui avec qui elle aurait dû partager sa vie. Il s'avéra que l'ancien amant de Freya et le sauveur de la petite étaient la même personne, mais elle ne s'en rendit compte que quelques années plus tard.

Peu après, on l'emmena à l'orphelinat. Mais Elliane n'y resta pas longtemps, une femme inconnue mais à la mallette contenant une somme rondelette vint pour la récupérer, en disant qu'on lui avait demandé de s'occuper d'elle. C'est ainsi que la jeune Winterheart se retrouva à vivre seule avec sa nounou dans un petit appartement et put aller à l'école, comme tous les enfants. Malgré sa naissance et tout ce qui avait pu lui arriver la bambine fut jetée dans un quotidien banal, ce qui était assez déroutant mais certainement pas déplaisant. En fait elle y prit goût assez rapidement et, vers l'âge de 10 ans, rencontra finalement une fille de son âge qu'elle appela sa « meilleure amie ». Elle s'appelait Nia, une jeune fille honnête, forte et pleine de vie mais aussi facilement influençable, c'est pour cela que l'auburn tenait à la protéger, sans savoir que cela se retournerait contre elle.

Les années passèrent tranquillement, jusqu'aux 18 ans d'Elliane. Nia et elle étaient toujours inséparables, même s'il était de plus en plus vrai que notre noble d'ascendance coupait son amie des autres pour éviter qu'on ne tire profit de sa vison simple du monde. Cependant un jour, leur petit duo fusionna avec un trio de camarades pour devenir un petit groupe dans lequel régnait une bonne ambiance. Une proximité qui permit au trio de voir à quel point la rouquine s'accrochait à Nia, d'une façon telle que cela ne leur plut pas : elles avaient l'impression d'être face à une sangsue qui privait quelqu'un de sa liberté, ce qui n'était pas vraiment de l'amitié de leur point de vue. Il suffit que deux-trois prises de têtes et bouderies pour des raisons idiotes aient lieu pour que, lentement, le feu soit mis à la poudre. Finalement, un beau jour, elles l'ont écartée de sa meilleure amie et se montrèrent très dure avec la Winterheart ; quand elle tenta de parler avec Nia, les trois filles qui appréciaient beaucoup cette dernière lui dirent de se méfier de sa vieille amie, que la fréquenter ne lui ferait aucun bien, et s'arrangèrent pour les tenir éloignées – allant même jusqu'à lui dire qu'elles n'aimaient pas les menteuses. Ce même jour pendant la pause déjeuner, elle vit son amie de toujours choisir de manger avec le trio, la laissant seule et livrée au sentiment de solitude que cela avait provoqué en elle. L'adolescente d'alors en voulut beaucoup aux filles qui s'interposaient entre elle et Nia, mais aussi à Nia pour l'avoir laissée tomber en lui infligeant au passage un sentiment de trahison et à elle-même pour ne pas avoir su garder son amitié. Ne dit-on pas qu'on ne récolte que ce que l'on sème ? Si Nia s'était éloignée aussi rapidement ce n'était peut-être pas parce qu'elle était facile à influencer, mais tout simplement parce qu'elle sentait que ce lien était effectivement une astreinte, que ses nouvelles copines avaient raison quand elles disaient que rester ensemble n'apporterait rien de temps au duo.

Cette possibilité la rendait confuse. Elliane ne se sentait vraiment pas bien, elle avait besoin de prendre l'air. Malheureusement, elle avait tellement l'esprit ailleurs qu'elle avait oublié que le coin n'était pas sûr quand notre demoiselle sortit se promener, tout comme elle ne remarqua pas qu'un homme semblait s'intéresser à sa personne. Quand ses pas la dirigèrent vers un parc désert, elle n'avait toujours pas remarqué cette présence sombre qui la suivait de loin. Cet individu finit par se manifester en la saisissant par le poignet, ce qui la surprit beaucoup mais certainement pas plus que la suite : ce qu'elle vit en se retournant fut un regard lubrique dont les intentions qu'il suggérait l'angoissèrent. Puis avant qu'elle n'ait le temps de dire ou faire quoi que ce soit l'inconnu dit que sa proie avait parfaitement sa place dans sa maison close... Mais qu'il aimait bien tester la marchandise malgré tout. En entendant ces aveux la jeune femme fut submergée par la peur, car elle savait ce que cela voulait dire et en savait aussi les conséquences, pour avoir vu sa mère s'effondrer. Alors elles ne partageaient pas seulement un même physique, mais aussi des destins similaires ? Décidément, l'ironie pouvait atteindre des combles. Seulement elle était contre et ne comptait pas accepter les choses aussi facilement. Notre Winterheart décida de se rebeller contre cet avenir et se débattit de toutes ses forces contre l'homme qui l'avait écartée de l'allée et tentait de la plaquer au sol. Il ne devait pas s'attendre à une telle démonstration de vigueur puisque sa poigne n'était pas bien serrée, ce à quoi – ainsi qu'à un coup de pied rapide et bien placé - elle doit son salut.

Une fois libérée de son étreinte Elliane courut comme si sa vie en dépendait, ce qui était le cas de le dire puisqu'il n'était pas difficile d'imaginer ce qui allait lui arriver si, par malheur, il la rattrapait. Se refusant à envisager ce scénario elle se focalisa sur ses jambes pour leur donner le plus d'impulsion possible, en espérant que l'homme n'était pas juste derrière elle mais sans oser se retourner pour le savoir. Tout irait bien, la noble de sang n'avait jamais eu à se plaindre de sa pointe de vitesse... C'est ce qu'elle pensait, quand il fit savoir en lui criant de ne pas s'arrêter si elle voulait rester vivante et en bonne santé que la distance entre eux était beaucoup trop courte à son goût. Le souffle rendu court par l'effort intense que son corps fournissait et la tension, elle sentit ses yeux la piquer : des larmes menaçaient de couler qu'elle retint en se pinçant la lèvre inférieure, avant de se pencher en avant et ne se fier qu'à ses souvenirs pour tenter de perdre son poursuiveur. Dans cette position voir ce qui se passait devant au milieu des bosquets puis des quelques arbres était compliqué, comme pourra en témoigner.... Le renard argenté sur lequel elle trébucha. Allez donc savoir ce que cet animal faisait dans un parc – surtout qu'il était en train de faire la sieste -, mais en tout cas grâce à lui notre auburn se retrouva face contre terre et avec un genou en sang. Allons bon, saleté ! Elle lâcha un juron, se releva tant bien que mal puis tenta de se remettre à courir, sans prêter attention à cette étrange sensation qui l'avait prise quand elle avait buté contre le renard mais en boitant - c'est que la plaie sur son genou n'était pas bien belle à voir.
Trop tard.

Le proxénète l'attrapa par derrière en lâchant une expression de satisfaction, puis entreprit de reprendre là où il s'était arrêté plus tôt mais en se montrant plus brusque cette fois-ci puisqu'il lui envoya au visage un revers qui la sonna, avant de la mettre à terre et de déchirer en partie ses vêtements en respirant bruyamment. Ce coup-ci Elliane n'avait presque plus de force et ne pouvait pas l'avoir par surprise, son destin était certainement scellé... Enfin si on comptait sans la boule de poil qui avait joué les obstacles, car l'animal décida de se projeter de toutes ses forces sur le pervers pour le faire bouger de là. Ce ne fut pas suffisant pour l'éloigner évidemment, mais il s'avéra que sa patte et la main de la demoiselle entrèrent en contact, ce qui la fit de nouveau ressentir une étrange sensation. C'est alors que son sang s'échappa par sa blessure et se solidifia pour transpercer l'homme à plusieurs endroits. Elle regarda la scène avec stupéfaction, en se demandant ce qui était entrain de se passer. C'était elle, qui avait fait ça ? Mais comment ? Et voilà que les lames de sang qui partaient de son genou éloignaient l'homme mourant pour le laisser tomber au loin, provoquant une hémorragie en se retirant.

Serait-ce.... ? Ha. Quelle blague. Ici et maintenant, alors qu'on allait la violer ? C'était de très mauvais goût... Mais bienvenue. Fixant d'un œil froid une flaque écarlate s'étaler autour de sa victime, Elliane reporta ensuite son attention sur son sauveur : le renard. Le catalyseur qui lui permettrait d'utiliser la magie. Son totem. Si on lui avait dit qu'elle le trouverait de cette manière, tiens, cela lui aurait donné une occasion de rire au nez et à la barbe de quelqu'un. Un sourire amer apparut sur son visage, alors qu'elle détaillait la fourrure de l'animal.

-Belle soirée pour se rencontrer. Sur ce, elle rassembla le reste de ses forces pour se lever et marqua un temps d'hésitation. … Vas-tu me suivre ?

Ce fut le cas. Suivant le pas lent de celle qui était désormais sa maîtresse, il se laissa guider dans la ville. Enfin guider est un bien grand mot, puisque la brunette elle-même ne savait pas trop où aller : elle ne voulait pas rentrer mais ne trouvait pas de destination précise, donc errait dans les rues sans se préoccuper de l'attention que ses vêtements déchirés, la terre qui la recouvrait, ses cheveux sales et emmêlés, son boitement et la bestiole à quatre pattes qui la suivait attiraient.

Quand elle prêta finalement attention à sa route, notre Winterheart se rendit compte que ses pieds avaient trouvés le chemin menant vers l'adresse de Nia. Un stress qui rivalisait presque avec celui qu'elle venait de connaître fit battre ses tempes et tonner son cœur. L'hésitation la gagna : rendre visite à sa meilleure amie ou pas ? Mais en même temps, ce n'était pas une bonne idée vu son état. Quoi que, peut-être que voir sa meilleure amie l'aiderait. Mhh. Bah en attendant d'être fixée pour de bon, Elliane continua sa progression... Et vit un peu plus loin son amie d'enfance, en compagnie de trois filles qui ne lui étaient pas étrangères. Les voir – et surtout ensemble – la stoppa net ; tandis que son nouvel animal de compagnie se collait à sa jambe en lâchant une petite plainte, son regard brun-rouge suivit le quatuor jusqu'à ce que l'une des adolescentes qui le composait ne l'aperçoive. Rapidement quatre têtes se retrouvèrent tournées vers elle, mais leurs propriétaires se contentèrent de la fixer en parlant entre elles puis reprirent leur route. Nia la fixa quand un peu plus longtemps et il lui sembla même qu'elle esquissa un pas dans sa direction – probablement inquiète de la voir dans cet état -, pour s'arrêter juste après et se faire tirer par l'une de ses camarades de balade. Voilà qui était fait : désormais, leur lien était irréparable. La jeune femme sentit quelque chose se briser en elle pour retomber lourdement dans sa poitrine. Elle resta immobile quelques minutes, jusqu'à ce que ses jambes passent en mode automatique.

Elliane erra sans savoir que faire, en ne passant chez elle que pour avaler un petit quelque chose en vitesse et se changer tout aussi vite. Elle ne voulait pas retourner en cours mais ne voulait pas rester enfermée dans cet appartement. Elle avançait dans un brouillard épais. Mais au bout de trois jours de vagabondage, peu après le coucher de soleil, alors que la noble d'ascendance se disait que retrouver son lit pouvait être une bonne idée, un bras vint se placer en face de ses yeux. Arquant un sourcil, l'auburn tourna un visage aux traits autrement figés vers un homme qui lui parla de « faire connaissance ». Ouais, c'était un dragueur du dimanche quoi... Elle l'ignora en le détournant, mais cet obstiné revint se placer sur sa route et se remit à parler. Au moins il savait complimenter, ça ne le rendait pas trop lourd. L'adolescente aurait presque pu se laisser tenter par un verre en sa compagnie vu son état d'esprit du moment, s'il n'avait pas osé se saisir de son poignet comme l'avait fait l'autre pervers : à ce moment elle se prépara à avoir recours à la force – à son pouvoir - si jamais l'inconnu ne la lâchait pas dans la seconde qui suivait, mais une autre personne intervint en l'appelant par son prénom. En regardant laquelle de ses connaissances se trouvait ici, elle reconnut facilement Siegfried même s'ils ne s'étaient pas vus depuis des lustres.

Le fait qu'il y ait un témoin qui en plus connaissait celle qu'il tentait de séduire suffit à faire fuir le dragueur, laissant Elliane et Siegfried seuls. C'est alors qu'il lui proposa de travailler pour lui, à Akhtai, en tant qu'espionne. Proposition surprenante, hein ? M'enfin ça ne l'empêcha pas de finir par accepter, même si cela lui faisait une nouvelle dette envers lui. Elle pourrait le rembourser en travaillant sous ses ordres, non ?
Voilà comment la brune se retrouva à Akhtai, toujours en compagnie de son renard. A 26 ans elle y travaille encore et n'a pas spécialement envie de partir, un peu comme son totem ne semble pas prêt de la laisser. En sept ans, la Winterheart a appris à connaître Sieg et le voit un peu comme le père qu'il aurait pu être, régulièrement il lui donne des leçons d'arts martiaux ou de maniement d'une arme – voir de deux, puisque la spécialité de l'amant de Freya est de se battre avec une rapière dans la main gauche et un wakisashi dans la droite. Mais si sa vie suit un gentil quotidien et qu'elle n'a apparemment l'air de manquer de rien, Elliane se sent étrangement vide.