Siegfried a une obsession dans la vie, quelque chose qui agit comme une drogue sur lui, la progression. Il ressent sans cesse le besoin de s'améliorer, de se perfectionner, ce qui en fait un redoutable combattant, car l'art du combat est son domaine de prédilection. Cependant, une sorte de démence le pousse à toujours rechercher un nouvel adversaire partout ou il va. Cependant, si un combat n'est pas du à la guerre, il est partisan du combat aux armes de bois, car quand on est mort on ne progresse plus... Sinon, il est d'apparence un homme dur et froid, laconique et impitoyable. Ce n'est pas vrai, mais ce n'est pas faux non plus, juste que ses fonctions l'exige. Sinon il peut être un homme doux et sensible, mais peu de gens le voient ou même le savent, mis à part Elliane Winterheart qu'il considère comme sa propre fille, et a qui il a appris à s'ouvrir. Sinon, c'est un homme calme, ne faisant pas de geste inutiles et aimant aller droit au but. Il aime se sentir craint d'une certaine façon, même s'il ne se sent aucunement supérieur aux autres personnes autour de lui.

Siegfried est une force de la nature, Très grand (environ 1m95) et assez large d'épaule, il est considéré comme assez intimidant par son entourage. Il possède des cheveux blonds, et malgré son âge, garde un physique assez "jeune". Il aime s'attacher les cheveux derrière la tête, ou simplement les avoir en arrière, mais jamais au niveau des yeux, ce n'est pas recommander d'obstruer le champ de vision durant un combat. Sinon il aime s'habiller avec de beaux vêtements, mais reste dans les tons sobres afin de passer plus facilement inaperçue.

   Le mannequin de bois me toisait avec arrogance. Assez étrange de dire cela d’un objet, alors qu’en fait c’est un amas de morceaux de chêne complètement inexpressif, cependant, c’est seulement pour moi qu’il est arrogant. Je me tenais debout, face à lui, détendu, mais plongé dans une intense concentration. A ma gauche pendait mon Wakisashi, prêt à être dégainé, mais je ne le touchai pas. Je respire, lentement, c’est la clé, c’est par elle que circule mon énergie interne, et je devais la concentrer le plus rapidement possible, afin d’être fatal. Encore une inspiration, un instant imperceptible de flottement, puis, poussant un Kiaï, je dégainais mon arme tout en avançant ma jambe droite, puis frappa. La lame coupa la forme de buste en bois en deux parties, dont l’une alla basculer à terre. J’observais la coupe, elle était droite et sans bavures, bien régulière. Bon, au moins je peux me vanter de savoir enfin couper à peu près correctement, et juste après quarante années de pratique, relativement correct. Maintenant, mon mouvement était loin d’être parfait, trop lent à mon goût, si le mannequin était avait été un homme, il aurait eu le temps de se dire « Il a avancé ». Bon, il n’aurait certainement pas eu le temps de se dire autre chose, mais s’en était déjà trop pour moi, je veux pouvoir frapper sans même qu’il puisse s’apercevoir que j’ai esquivé un geste avant qu’il ne soit achevé. Impossible me direz-vous ? Surement, mais qu’importe, si je ne peux pas atteindre cette performance, autant s’en approcher un maximum. Je baissai les yeux vers les morceaux de bois raccourcis. Si je les trouvais arrogants, c’est parce qu’ils ont symbolisé pour moi la difficulté de l’apprentissage, c’était il y a longtemps, alors que j’étais encore un enfant…

 J’ai grandis dans les monts glacés de Heka, dans la ville de Qarcy. Mes parents exploitaient et utilisait la roche de glace, une pierre extrêmement dur que l’on ne trouve que dans la région montagneuse d’où je suis issu. Mon père l’utilisait dans les armes et plus rarement, des armures qu’il fabriquait en tant qu’armurier renommé, alors que ma mère en faisait des bijoux. Ce matériaux était répandu dans la région et n’avait donc pas beaucoup de valeur, mais était très apprécié de pars sa dureté supérieur à tout ce que l’on pouvait trouver d’autre et son aspect bleu clair et translucide. Quoi qu’il en soit, malgré son faible prix de vente, nous pouvions néanmoins vivre confortablement grâce à l’exploitation de ces ressources. Pour ma part, j’ai grandis auprès de mes parents durant quelques années de ma vie seulement. Enfant très turbulent et cherchant sans cesse la bagarre, j’étais à l’écart de tout le monde car personne ne voulait me fréquenter, à juste titre d’ailleurs car personne ne veut risquer d’être blessé par quelqu’un qui n’est au final intéressé que par le combat. Je me souviens, mes jeux favoris consistaient à mouliner avec un bâton dans tous les sens, à lancer de grosses pierres le plus loin possible, à courir jusqu’à arriver dans un état semi conscient, bien que cela me value un nombre incalculable de punition venant de mes parents, qui m’aimaient même si je n’étais pas l’enfant dont ils rêvaient, je restais le leur. Évidemment, l’idée de me former à leur travail, ils l’abandonnèrent bien vite, je n’avais pas la patiente nécessaire pour choisir les gemmes adaptées à chaque applications, les tailler minutieusement, mesurer, recommencer… J’ai toujours été quelqu’un d’action, qui ne tenait pas en place, et ce que je voulais, ce n’étais pas de rester au même endroit à tailler des pierres, aussi belles soit-elles. A ce stade, je n’avais aucune idée de ce que je voudrais faire de ma vie, en fait, je n’avais même pas conscience d’être différent des autres enfants, et je ne comprenais pas pourquoi j’étais tenu à l’écart. Tout bascula lors de la venue d’un personnage haut placé, un général il me semble, qui voulait se faire refaire un nouveau plastron léger. Je me souviendrais toujours de la prestance qu’avait cet homme, grand, fière, le corps tout en muscle sans une once de graisse, le physique rêvé pour tout soldat. Sans m’en apercevoir, je le fixais avec insistance, en particulier l’immense fauchon fixé à sa ceinture. Au bout d’un moment, il s’en aperçut, et me demanda ce que je regardais. « Rien », répondis-je, « enfin, je regardais juste votre épée… ». Je me souviens que mon ton de voix était hésitant, en même temps, il y avait de quoi être intimidé avec une personne comme ça en face de soi. Cependant, elle était loin d’être malveillante, elle était même plutôt gentille bien qu’elle me prit de haut ce jour-là. Alors elle sorti son épée, et me la tendit. Ce fut surement le moment le plus incroyable de ma vie, jamais alors je n’avais tenu une arme, même celles de mon père, il les gardait hors de ma portée, de peur que je ne l’utilise contre quelqu’un, crainte fondée étant donné mon caractère. Respectueusement, je saisis la garde. La lame était bien trop lourde pour moi et la pointe de l’épée restait malgré mes efforts, collée au sol. Je n’en étais pas pour autant moins impressionné, au contraire même, à ce moment, je me souviens que je rayonnais, j’avais trouvé ce qui, dans la vie, me faisait envie, c’était cette épée. Je me souviens avoir alors chuchoté quelques mots au soldat « Apprenez-moi, s’il vous plaît ». Il m’a regardé – toisé serait plus approprié – puis m’a demandé si je savais me servir de ça, en pointant son épée du doigt. Je lui ai dit que je voulais apprendre. « Je ne peux enseigner à quelqu’un qui ne sait pas exploiter le principe même d’une épée, et tu m’as l’air bien jeune ». Sa réponse avait fait monter en moi une vague de rage qui m’était propre, c’est-à-dire complètement disproportionnée par rapport à la situation, mais je faisais tout pour garder mon sang froid, je ne devais pas m’attaquer à lui ! « Qu’est-ce qui vous fait dire que je ne sais pas exploiter ce principe ? » J’essayais de garder un ton aussi neutre et ferme que possible, je ne devais pas perdre mais moyen, pas à ce moment-là. « Très bien, nous verrons cela demain, en attendant médite sur ce principe ». La nuit, j’y repensais, je maniais un bâton en m’imaginant que c’était une épée depuis des années, alors même si cela restait un bâton, j’avais surement acquis une certaine forme d’expérience, et puis j’étais plutôt fort et agile… J’étais tellement naïf jeune, maintenant avec tout le recul accumulé, je m’en rends compte…
Le lendemain, il revint avec deux morceaux de bois taillés grossièrement en forme humanoïde, un grand et un petit. « Voici deux mannequins de bois, un pour toi et un pour moi. Leurs tailles est proportionnelle à nous même, je n’aurais pas plus ou moins de difficultés à venir à bout du mien que toi avec le tient, car l’exercice est le suivant, trancher en deux ton mannequin, comme si c’était un ennemi. C’est un exercice difficile, mais tu devrais réussir puisque tu as apparemment compris le principe de base de l’épée. » Puis il s’était illustré, et d’un geste avait dégainé son fauchon, tranchant le morceau de bois dans toute sa diagonale, de bas en haut. Cela n’avait fait qu’un bruit, sourd et mat. Puis alors je crus enfin comprendre ce principe, peu importe le mouvement, il fallait concentrer toute sa force au moment de l’impact afin de pouvoir couper n’importe quel épaisseur de n’importe quel matériaux, c’était tellement évident… Alors l’homme me donna une épée, la même que la mienne mais adaptée à ma taille, serti d’une pierre de glace à la base de la lame, dans le pommeau. « Forgée par ton père » me précisa-t-il. « Une très bonne lame, ton père fait un travail remarquable, c’est de lui que je tiens les miennes ». Les siennes ? Parce qu’il en a plusieurs ? Ce doit être vraiment enrichissant d’avoir un maître tel que lui. J’ai alors pris l’épée, la positionnai comme il fallait, enfin selon moi, respira, puis frappa, de toute me forces. Le choc fut tel que je faillis trébucher en avant. Puis je sentis une onde de douleur me parcourir les avants bras. Face à moi, il y avait toujours un seul morceau de bois, l’épée fichée au milieu de ce qui devait représenter la tête. En regardant bien, je m’aperçus que le bout de la lame s’était cassé sous le choc. Alors le guerrier s’avança à ma hauteur et me posa une main sur l’épaule. « Le principe de base d’une épée, c’est de couper, et si tu n’es pas capable de trancher quelque chose avec, alors ce n’est même pas la peine de prétendre apprendre le reste, navré mon garçon. Cependant, si tu parviens à maîtriser cette base, alors j’accepterai de te prendre parmi mes élèves. Quand ce sera le cas, viens à Kahl, au palais, et demande à me voir, Ellias, je gère les défenses de la capitale et je suis également maître d’armes à mes heures perdues, tout le monde ayant un rapport avec le gouvernement me connait. »
Quelques heures après, il s’en allait, équipé de sa nouvelle pièce d’armure. Voyant ma mine dépité, il s’était avancé vers moi, puis m’avait dit ceci : « Dans les arts martiaux, il y a trois choses essentielles, la force, la technique, et l’esprit, cité dans l’ordre dans lequel elles sont développées  le plus. Les jeunes vont d’abord privilégier la force brute, les adultes développeront ensuite plus leur technique, puis enfin, lorsque qu’ils auront atteint un degré de maîtrise suffisant, ils approfondiront leur mental, l’esprit des arts martiaux, et ils continueront jusqu’à la fin de leur vie ou de leur pratique, car il n’y a pas de stade où l’on sera parfait. Malgré ton jeune âge, tu as la force, tu as quand même réussi à ficher ta lame profondément dans le bois, alors maintenant, commence à travailler la technique, et reviens me voir ! »
 Je ne me fis pas prier, et dès qu’il fut parti, j’allai demander une épée à mon père. Naturellement, celui-ci refusa, en me disant que j’avais été complètement imprudent d’importuner cet homme, que ça aurait pu nous attirer de sérieux ennuis, car beaucoup de militaires haut placés méprisaient le reste de la population, et bien sûr, qu’il n’était pas question que je parte retrouver cet homme, qu’une arme était bien trop dangereuse pour moi et que je risquais de blesser quelqu’un ou pire… Bien entendu, je n’étais pas de cet avis, et comptais bien réussir à réussir à comprendre comment couper un objet au sabre. Pour le coup, je ne commençai pas avec un sabre, mais un couteau, à défaut d’avoir une épée. Cela m’aida d’ailleurs à comprendre le mouvement à effectuer, car si il n’est pas forcément évident d’appréhender le geste de coupe avec une lame telle qu’un fauchon, il est néanmoins assez aisé de le faire avec un couteau lorsque l’on coupe un steak par exemple. Ainsi, je dérobai un jour en douce un des meilleurs couteaux qu’avait forgé mon père, en me disant que je lui rendrais par la suite. Je me cachais ensuite dans les alentours du village, alignais des morceaux de bois, et tentais de les couper d’un coup, et d’avoir une coupe nette et droite. Étrange jeu pour un enfant de huit ans…

 Le jeu en question dura environ cinq années, jusqu’à ce qu’il devienne sérieux. Entre temps, j’avais grandi, développé ma force, affûté mes sens et surtout, conservé ma volonté de réussir. Oh bien sûr, je n’avais pas passé cinq ans de ma vie à couper des brindilles avec un couteau, mais j’ai renforcé mon corps et ma souplesse, travaillé mon agilité, ma discrétion et affûté mes reflexes. Bien sûr, je restais un gamin de treize ans, toujours aussi indomptable et bagarreur, mais j’avais cependant atteints une maturité que je n’aurais jamais espérer avoir,  qui me permet de prendre conscience de ce que je suis et de ce qui m’entoure. Depuis, j’arrivais à mieux contrôler mes pulsions, et même à aider mes parents. Cependant ces derniers, bien qu’heureux de constater mes progrès, ne voulaient toujours pas me confier d’arme. Mon père n’avait jamais remarqué la disparition du couteau, mais si ça avait été le cas, il ne me l’aurait pas laissé pour autant, malgré mon gain de maturité récent… Je continuai cependant à les aider dans leur travail, et des fois, j’allai dans une carrière afin d’extraire la pierre de glace, matière première pour mes parents, et tâche que j’aimais accomplir car elle était éreintante, un pur plaisir pour moi ! C’est là qu’un jour, je trouvai une pierre qui allait changer ma vie. D’apparence, elle n’avait pas l’air différente des autres gemmes que je récoltais, mais d’elle émanait comme une énergie. Je l’ai montrée à un ouvrier près de moi, qui me dit qu’il ne sentait rien non seulement, mais qu’en plus elle était de mauvaise qualité, bonne à jeter. Ce que cependant je ne fis pas, quelque chose en moi me poussait à la garder.
La journée prit fin, la nuit passa et une journée de plus comme les précédentes, tout allait bien.
Puis un jour, les choses n’allèrent plus. En effet, Qarcy fut attaqué par une armée inconnue, comme cela arrivait de temps à autre, il en était ainsi dans nos terres, la majorité des gens y sont détraqués et ne pensent qu’à faire la guerre aux voisins. Bon, ce n’était pas à proprement parler une armée, mais un petit groupe, le seul problème c’est qu’une grande partie de la garde de Qarcy était partie pour accomplir je ne sais plus quel tâche destinée à assurer notre sécurité… Le résultat est bien là… Bon, fort heureusement, nous étions aussi fous qu’eux, et avions tous des armes chez nous, plus les totems de certains, bref, la bataille fut engagée. Pour ma part, j’étais hors de la ville, à m’entrainer à ce moment-là. Lorsque que j’entendis des cris, j’ai foncé vers notre maison, couteau dans une main et bâton l’autre, frappant et coupant tout ennemi qui cherchait à m’arrêter. Lorsque j’arrivais chez moi, la porte était enfoncée et des cris provenaient de la maison. A ce moment, j’étais terrifié, si jamais quelque chose était arrivé à mes parents… Mais ils étaient toujours en vie, acculés contre un mur, et en face d’eux se tenait un homme en armure, immense et armée d’une large épée à double tranchant. Il criait quelque chose à mes parents, mais je n’entendais pas, je n’entendais rien, si ce n’était que la pulsation de mon cœur dans ma poitrine. Mes parents étaient menacés, et je devais les aider, même si les choses ne vont pas toujours bien entre nous, je les aime, et ils m’aiment…
L’homme ne me voyait pas, j’étais dans son dos, et sans hésiter, je pris mon couteau et le lança de toute mes forces dans son dos, puis m’élançais. La lame rebondit sur l’armure avec un bruit assourdissant, et l’homme chancela légèrement sous le choc. Il se retourna alors, au moment où je plongeais à côté de lui pour faire une roulade et me retrouver à l’intérieur de la maison. Sans hésiter alors, je pris une des armes de mon père, la première qui me tombait sous la main, un Wakisashi inachevé, mais une pièce de maître, et me mit en garde, entre mes parents et l’agresseur. Celui-ci rigola, me toisa, menaça de me tuer, mais je ne l’écoutais pas, car le jour était venu de voir si oui ou non j’avais réussi à progresser… Alors je me suis mis face à lui, j’ai levé mon arme, et l’ai abattu de toutes mes forces, en effectuant cette fois-ci, le mouvement de coupe, consistant à tirer la lame vers soit durant le geste. Mais il se passa autre chose, la pierre que j’avais ramassée quelques jours auparavant s’était mise à pulser dans ma poche, et à m’entourer d’un faible halo bleu très bref pendant le moment où je donnai le coup. L’homme levait son arme pour parer, et elle fut tranchée net, ainsi que sa tête, et le tas de chair et d’acier s’affalait au sol. Je venais de trouver mon totem.

 Je suis donc parti a la capitale, avec la bénédiction cette fois-ci de mes parents, qui avaient enfin compris que mon destin était le combat, et qu’il n’y aurait surement rien d’autre que je ferais aussi bien… Je suis donc parti retrouver Ellias, accompagné par mon père, qui m’offrit le Wakisashi avec lequel j’avais tué l’agresseur, qui étrangement n’était pas endommagé, surement mon totem, et aussi le couteau avec lequel je me suis entrainé durant tant d’années. Arrivé dans la capitale, mon père me laissait tandis que je demandais mon futur maître au palais. Quand il fut devant moi, sans dire un mot, je me rendis près d’un arbre devant le palais, et trancha l’une des grosses branches qui soutenait la ramure. Le maître sourit alors, et me fit entrer.

 A partir de ce moment, Ellias m’enseigna les techniques de combat à mains nues et aux armes. Durant trois ans, j’ai pu m’y consacrer pleinement, avant de décider de rentrer dans l’armée, j’avais alors seize ans. Étant déjà très doué pour le maniement des armes blanches et le corps à corps grâce à Ellias, je pris rapidement du galon, et obtiens même une promotion spéciale, celle de garde personnel du général en chef des armées de Heka. Je le suivais donc partout où il allait, prêt à l’assister en cas de besoin, c’est là que je l’ai rencontré. J’avais vingt ans à l’époque, et un soir, je suivais le général dans une sorte de soirée mondaine dans laquelle je devais l’escorter. Cependant, je n’étais pas tenu de rester à ses pieds, et il me donna même l’autorisation de profiter de la soirée. C’est alors que j’aperçus une jeune femme, un peu plus de mon âge qui me fixait sans vraiment que je ne sache pourquoi. Je suis donc allé vers elle et j’ai fait connaissance. Elle se nommait Freya, issue de la classe moyenne de la noblesse, elle était la première femme avec laquelle je parlais, et plus tard la première dont je tombais amoureux… Les années passèrent et nous apprenions à mieux nous connaître, avant d’être très proche, mais je ne l’ai jamais touché, pour elle comme pour moi, le bon moment n’était pas arrivé. Puis à vingt-quatre ans, je suis parti en mission avec l’armée du général, laissant Freya pour plusieurs mois. Une fois rentré, tant de chose se furent produites… J’appris que mon aimée avait été violé, et qu’elle portait en elle le fruit de cet acte abominable. Elle avait essayée de le cacher, mais son ventre ne laissait aucune place au doute. Elle s’était même exilée dans les quartiers pauvres de la capitale, ne pouvant affronter sa famille. Pourtant, je l’aimais toujours, même si j’avais le sentiment qu’on me l’avait volé, et ça me rendais malade. Quand son enfant, une fille fut née, je suis allé la voir et voir celle qui aurait pu être ma fille, lui souhaitais d’être heureuse malgré le viol dont elle était issue, puis je suis repartis au palais où l’on avait besoin de moi, sans même embrasser Freya, même si je l’aimais, je souffrais trop. Je n’eus plus la force de revenir, mais je ne savais pas que je ne la reverrais plus jamais à ce moment...

 Huit années ont passées. Huit années durant lesquelles le me consacrais uniquement à mon entrainement pour oublier Freya, mais c’était une bataille perdue d’avance, je ne pouvais m’empêcher d’aller l’espionner dans les quartiers de misère de Kahl, et aussi de voir sa fille grandir. Je les aimais toutes les deux, même si je n’avais aucun liens avec l’enfant… Mais à un moment, elle semblait avoir des ennuis et être la cible du quartier. Au début, je pensais qu’il ne s’agissait que de moquerie, puis un jour j’ai vu qu’un homme tentait de la violer, et je l’ai vu le tuer. A ce moment, je me suis dit qu’il fallait que je revienne, mais il était trop tard, en rentrant chez elle, elle incendia sa maison. Dès que je vis les flammes, je ne cherchais plus à être discret. La porte était fermée, mais utilisant mon totem, j’envoyais un formidable coup de pied dans la porte en poussant un hurlement de rage. Cette dernière se fracassa sur le mur en face, et un retour de flamme brûla mes cheveux tandis que je baissais la tête. Sans m’arrêter, même  si la chaleur et la fumée étaient sur le point d’avoir raison de moi, je cherchai les deux êtres qui comptaient le plus pour moi. Elles étaient au sol, Freya gisait sur son enfant, dans une mare de sang. Lui prenant la main, je vis une profonde entaille marquant l’intérieur de son poignet, elle avait donc décidé d’en finir… Le monde s’effondrait autour de moi, mais je m’efforçai de garder mon sang froid, car la petite bougeait encore. Délicatement, je fis rouler le corps de Freya sur le côté, et je ne sais pas si c’était une illusion ou pas, mais je cru entendre un « merci » chuchoté, mais cela pouvait très bien aussi être un sifflement provenant de l’incendie, car Freya était définitivement morte… Je pris ensuite sa fille dans mes bras, et m’en allais rapidement. Je me suis rendu compte à ce moment-là que je ne savais même pas comment elle s’appelait…

 Je ne sais pas si Freya aurait voulu que j’adopte sa fille, Elliane, mais ce n’était pas possible pour moi, je n’aurais pas le temps de m’en occuper, et je pouvais être tué à tout moment, et puis il y a mon penchant violent qui me dérange, je ne voudrais surtout pas la blesser… Alors après avoir longtemps pesé le pour et le contre, je décidai de me séparer de la petite et de la confier à un orphelinat, en leur demandant juste de me tenir au courant de ce que deviendrait la fille de ma défunte amante par la suite. Théoriquement, ils n’avaient pas le droit de me confier ce genre d’information, mais de pars mon grade et les menaces que j’ai proféré, ils acceptèrent.

 Quand Freya était en vie, je n’avais pas de fille. Quand elle fut morte, je n’avais toujours pas de fille, mais étrangement, une fois que Elliane fut en de bonne main, et que j’avais enterré le corps de Freya, je me sentais vide et seul… Pourtant, cela faisait huit années que je vivais seul, me consacrant à mon entrainement et au combat, car si aujourd’hui je sais me contrôler, je reste quelqu’un qui recherche sans cesse les défis et les combats, même amicaux.
Un jour, j’appris de l’orphelinat que quelqu’un voulut prendre Elliane, mais qu’il n’avait pas la somme nécessaire. Cependant, afin de ne pas risquer de la perdre de vue, je chargeai moi-même une femme de ma connaissance veuve et sans enfant, mais qui en voulait cependant, et de la classe moyenne d’adopter ma protégée. Ainsi, elle pourrait vivre comme n’importe quelle enfant, être aimée et avoir une éducation. Elle ne sera pas de la noblesse comme sa mère, mais cela lui permettra d’être discrète et d’éviter les ennuis, et ne sera pas non plus dans la misère, ce qui la mettrait aussi en danger et la priverait de bon nombre de chose. Bien évidemment, elle me tiendrait au courant de ce que devient Elliane et je resterai à sa disposition pour la protéger en cas de problème.

 Dix années passèrent, Elliane vivait comme n’importe quelle adolescente du haut de ses dix-huit ans, et s’était même lié d’amitié avec une autre fille de son âge. Elle ressemblait à sa mère, malgré la couleur enflammée de ses cheveux, elle en conservait néanmoins la forme de son visage et de son corps. Tout semblait aller pour le mieux, lorsque qu’un soir, sa mère adoptive m’appela pour me dire qu’Elliane, qui n’allait pas très bien ces jours-ci, était sorti et tardait à rentrer, et que de plus, un groupe d’individus échappés de prison rôdaient dans le quartier, et qu’elle était très inquiète. Sans tarder, je me mis en route, armée bien entendu, ne serait-ce que pour impressionner un éventuel agresseur. N’ayant aucune piste, je ne pouvais me fier qu’au hasard, jusqu’à entendre un cri d’homme non loin. Je me suis alors précipité vers le son, pour trouver un homme gisant à terre dans son sang qui s’écoulait par de nombreuses plaies. Je ne sais pas si c’était Elliane qui avait fait cela, mais quoi qu’il en soit, c’était une piste, et l’agresseur avait marché dans le sang, ce qui fait qu’il y avait quelques traces au sol, indiquant la direction qu’il a prise. Je me suis alors mis à courir, l’homme a crié il y a peu de temps, alors son assassin ne devait pas être loin. Quelques rues plus loin, je le retrouvais, et à mon soulagement, c’était Elliane. Elle avait grandi, changé, mais restait la silhouette, et avec des cheveux pareils, pas moyen de se tromper. Mais elle n’était pas seule, un homme lui tenait le poignet, visiblement contre son grès. Si c’était elle qui avait tué l’homme de tout à l’heure, elle pourrait tuer aussi celui-ci, je devais intervenir. Calmement, je me suis avancé, et ai appelé Elliane, se faisant diriger les deux regards vers moi, puis j’ai lentement dégainé une partie de mon Wakisashi afin de lancer un ultimatum. L’individu n’insista pas et s’en alla. J’ai ensuite emmené Elliane chez moi, en remerciant la femme qui s’en est occupé, et lui permettant de passer la voir chez moi autant et quand elle le voulait. Cela n’avait pas empêché ses larmes de couler, mais après ce qu’il venait de se passer, j’ai compris qu’Elliane ne serait vraiment en sécurité qu’avec moi. Eu de temps après, j’acceptais une promotion qui me nommait général en chef des armées de Heka, un poste qui me laissait plus de temps car il me sollicitait moins sur le terrain, pas du tout en réalité, mais mon goût du combat me poussait à y aller, et puis je donnai du courage aux hommes en combattant à leurs côtés. Cependant, il me restait assez de temps chez moi pour m’occuper d’Elliane, et comme je redoutais bien trop qu’il ne lui arrive la même mésaventure que sa mère, je me suis mis à lui transmettre mon savoir, y compris sur mon propre style de combat, avec une rapière et un Wakisashi et aussi au maniement des armes à feu tel que le fusil que j’apprécie tout particulièrement. Cependant, Elliane se montrait très douée, et son totem qui consistait à contrôler le sang était redoutable, alors ‘ai commencé à lui donner quelques missions mineures, et voyant à quel point elle était efficace, j’en fis peu à peu mon agent personnelle, en particulier mon espionne, tant elle excellait dans ce domaine. Bien sûr, elle pouvait refuser une mission à tout moment.

 Sept années passèrent, aujourd’hui, j’ai cinquante ans, elle en a vingt-six, à peu près l’âge qu’avait Freya lorsque que je l’ai rencontré. En elle, je voyais vraiment à la fois celle qui aurait pu être ma femme, mais aussi celle qui aurait pu être ma fille, ce qui fait que je lui vouais une affection et un amour mystique et indescriptible. A force de combattre, je suis devenu un homme impassible et froid, pourtant, avec elle, je me sens vraiment moi, et je peux m’ouvrir à elle, sourire et être heureux…
Aujourd’hui, devant ce mannequin coupé en deux, symbole du début de ma vie, j’en fais le serment, si quelqu’un faisait du mal à Elliane, je lui réserve le même sort qu’à ce mannequin, et je n’aurais de cesse de le traquer, tout le temps, n’importe où, jusqu’à ce que je le trouve et que d’un mouvement, je venge ma fille…